Résumé de la 99e partie n La vieille perfide met son plan à exécution. Daoul'makân et Scharkân, à la tête de leurs armées, font mouvement vers Constantinia. Devant eux s'étendaient des prairies pleines de fraîcheur où se promenaient les eaux bruissantes, où fleurissaient les arbres fruitiers. Et cette contrée, où s'ébattaient les gazelles et où chantaient les oiseaux, apparaissait tel un paradis avec ses grands arbres ivres de la rosée qui embellissait leurs branches, et ses fleurs qui souriaient à la brise vagabonde, comme dit le poète : «Regarde, enfant ! La mousse du jardin s'étend heureuse sous la caresse des fleurs endormies. Elle est un grand tapis couleur d'émeraude avec des reflets adorables. Ferme tes yeux, enfant ! Ecoute l'eau chanter sous les pieds des roseaux. Ah ! ferme tes yeux ! Jardins ! Parterres ! Ruisseaux ! Je vous adore ! O ruisseau au soleil, tu brilles comme une joue, duveté de l'ombre des saules inclinés ! Eau du ruisseau qui t'attaches aux tiges des fleurs, ô grelots d'argent aux chevilles blanches ! Et vous, fleurs, couronnez mon bien-aimé !...» Lorsqu'ils eurent rassasié leurs sens de ces délices, les deux frères songèrent à se reposer quelque temps en ce lieu. En effet, Daoul'makân dit à Scharkân : «O mon frère, je ne crois pas que tu aies vu à Damas des jardins aussi beaux. Restons donc ici pour nous reposer deux ou trois jours et donner à nos soldats le temps de respirer un peu de bon air et de boire de cette eau si douce afin qu'ils puissent mieux lutter contre les mécréants.» Et Scharkân trouva que l'idée était excellente. Or, comme il y avait déjà deux jours qu'ils étaient là et qu'ils allaient se préparer à faire plier les tentes, ils entendirent des voix dans le lointain ; et, s'étant informés, il leur fut répondu que c'était une caravane de marchands de Damas qui retournaient dans leur pays, après avoir vendu et acheté dans le pays des infidèles, et que les soldats leur barraient maintenant la route pour les punir d'avoir fait le commerce avec les infidèles. Mais, juste à ce moment, les marchands arrivèrent en protestant et en se démenant, entourés par les soldats. Et ils se jetèrent aux pieds de Daoul'makân et lui dirent : «Nous avons été dans le pays des infidèles, qui nous ont respectés et ne nous ont lésés ni dans nos personnes ni dans nos biens ; et voici que maintenant les croyants, nos frères, nous pillent et nous maltraitent en pays musulman !» Puis ils sortirent la lettre, sauf-conduit du roi de Constantinia, et la tendirent à Daoul'makân qui la lut, ainsi que Scharkân. Et Scharkân leur dit : «Ce qui vous a été enlevé vous sera rendu sur l'heure. Mais aussi pourquoi, vous, des musulmans, être allés ainsi faire le commerce avec les mécréants ?» Alors les marchands répondirent : «O notre maître, Allah nous a conduits chez ces chrétiens pour être la cause d'une victoire plus importante que toutes les victoires des armées et toutes celles que tu as remportées toi-même !» Et Scharkân dit : «Et quelle est donc cette victoire, ô marchands ?» Ils répondirent : «Nous ne pouvons en parler que dans un endroit isolé, à l'abri des indiscrets ; car, si la chose venait à s'ébruiter, aucun musulman ne pourrait jamais plus, même en temps de paix, mettre les pieds dans le pays des chrétiens.» (à suivre...)