Résumé de la 115e partie n Les armées musulmanes se reformèrent devant la grande muraille de Constantinia. Scharkân demande à Daoul'makân de le laisser préparer l'assaut de la cité. Et le roi lui dit : «Et quel est l'avis que tu désires émettre, ô maître des idées admirables ?» Et Scharkân dit : «Voici. La meilleure disposition pour la bataille est de me placer au centre, juste en face du front de l'ennemi ; le grand vizir Dandân commandera le centre droit, l'émir Torkash le centre gauche, l'émir Rustem l'aile droite et l'émir Bahramân l'aile gauche. Quant à toi, ô roi, tu resteras sous la protection du grand étendard pour avoir l'œil sur tout le mouvement, car tu es notre colonne et notre seul espoir après Allah ! Et nous tous, nous serons là pour te servir de rempart !» Alors Daoul'makân remercia son frère pour son avis et son dévouement et donna l'ordre de mettre ce plan à exécution. Sur ces entrefaites, voici que d'entre les rangs des guerriers des Roum un cavalier rapide s'avança du côté des musulmans. Et lorsqu'il fut plus près, on vit qu'il était sur une mule aux pas très serrés et très rapides, dont la selle était de soie blanche recouverte d'un tapis du Cachemire, et ce cavalier était un beau vieillard à la barbe blanche, à l'aspect vénérable, enveloppé d'un manteau de laine blanche. Il s'approcha de l'endroit où se trouvait Daoul'makân et dit : «Je suis envoyé vers vous autres pour vous porter un message ; comme je ne suis que l'intermédiaire, et que l'intermédiaire doit bénéficier de la neutralité, accordez-moi le droit de parler sans être inquiété et je vous communiquerai le sujet de ma mission.» Alors Scharkân lui dit : «Tu as la sécurité !» Et le messager descendit de cheval, et enleva la croix qui lui pendait au cou et la remit au roi et lui dit : «Je viens vers vous de la part du roi Aphridonios qui a bien voulu suivre les conseils que je lui donnais de cesser enfin cette guerre désastreuse qui abolit tant de créatures faites à l'image de Dieu. Je viens donc vous proposer en son nom de mettre fin à cette guerre par un combat singulier entre lui, roi Aphridonios, et le chef des guerriers musulmans, le prince Scharkân.» A ces paroles, Scharkân dit : «O vieillard, retourne près du roi des Roum et dis-lui que le champion des musulmans, Scharkân, accepte la lutte. Et demain matin, une fois que nous serons reposés de cette longue marche, nos armes se heurteront. Et si je suis vaincu, nos guerriers n'auront plus qu'à trouver leur salut dans la fuite.» Alors le vieillard retourna auprès du roi de Constantinia et lui transmit la réponse. Et le roi faillit s'envoler de joie en l'apprenant, car il était sûr de tuer Scharkân et avait pris toutes ses dispositions à cet égard. Et il passa cette nuit-là à manger et à boire et à prier et à dire des oraisons. Et lorsque vint le matin, il s'avança au milieu du meïdân, et il était monté sur un haut coursier de bataille, et était vêtu d'une cotte de mailles d'or au milieu de laquelle brillait un miroir enrichi de pierreries ; il tenait à la main un grand sabre recourbé, et avait passé sur l'une de ses épaules un arc fabriqué à la manière compliquée des gens d'Occident. Et lorsqu'il fut tout près des rangs des musulmans, il releva sa visière et s'écria : «Me voici ! celui qui sait qui je suis doit savoir à quoi s'en tenir ; et celui qui ignore qui je suis bientôt me connaîtra ! O vous tous, je suis le roi Aphridonios à la tête couverte de bénédictions !» (à suivre...)