Peinture n Une exposition de l'artiste peintre Amor Driss Dokman se tient au Palais de la culture. Il est bien difficile de définir l'art de Amor Driss Dokman, de l'inscrire dans un mouvement et, du coup, lui conférer une référence ; c'est un langage inusité aux références stylistiques et esthétiques propres à une personnalité qui est sienne et qui émane d'une individualité forte en expressivité et continuellement en créativité. Il y a, en effet, une recherche et dans le genre et dans cette façon d'imaginer une représentation de ce que l'œil perçoit, de ce réel qui, une fois transfiguré par une imagination fantasmatique, prend de surprenantes allures. Dans sa dernière création, une œuvre comprenant une trentaine de peintures, Dokman s'emploie à dire la nature ; tel un paysagiste, il transpose dans ses tableaux une végétation luxuriante et dédaléenne ; et l'élément prédominant est l'arbre. L'arbre, inerte et muet dans la vie réelle, devient un protagoniste aux proportions substantielles, définissant et déterminant ainsi l'espace. La spatialité du tableau prend corps et signifiance lorsque l'arbre tend ses branchages et étale ses feuillages. Le paysage que reproduit Dokman n'est cependant point identique à celui auquel la nature a habitué notre regard ; c'est un paysage métamorphosé, se présentant dans des apparences plus que contemporaines : il s'agit d'une représentation singulière, aux frontières de l'étrange. Le regard est aussitôt projeté dans une dimension autre que celle que l'esprit de chacun peut évoquer ou figurer mentalement. C'est-à-dire la reproduire à partir d'un modèle déjà existant. Dokman raconte la nature dans sa beauté et sa diversité. Il dit l'arbre dans un style de joie et d'allégresse ou dans un langage traduisant une rage et un tourment ; c'est tantôt avec un tempérament de jouissance, tantôt avec un sentiment d'agressivité que Dokman peint la nature, un monde menacé, agressé par le béton, par une urbanisation anarchique et donc destructrice ; un acte irréversible. La peinture qu'imagine Dokman est dense dans la composition, mais cette épaisseur n'est point déroutante et fastidieuse ; elle est certes profonde mais reste accorte et assimilable au regard. C'est une peinture colorée, éclairée et éclatée. Elle occupe tout l'espace se faisant ainsi substantielle. C'est également une peinture aérée et affinée. Cela la rend amène, attrayante et attachante. Le regard s'y accroche vite parce qu'elle engendre une sensibilité, révèle une esthétique et laisse voir des impressions relevant d'un bel onirisme, le tout adhérant à une pure poésie végétale.