Résumé de la 114e partie n Le grand chambellan soutient ses accusations contre Mère-des-Calamités, avec une lettre comme preuve. Daoul'makân et Scharkân vont-ils le croire ? Eux, dévoués corps et âme à cette vipère ? Et aussitôt il donna l'ordre aux chefs de son armée de faire crier aux soldats l'heure de l'attaque et de la sortie. Alors de tous les côtés affluèrent les soldats, et ils aiguisèrent leurs épées et invoquèrent la croix et la ceinture et sacrèrent et blasphémèrent et se démenèrent et hurlèrent. Et tous ensemble sortirent par la grande porte de Constantinia. A la vue des chrétiens qui s'avançaient en ordre de bataille et le glaive nu à la main, le grand chambellan comprit le danger il fit aussitôt appeler les hommes aux armes et leur jeta ces quelques mots : «O guerriers musulmans, mettez votre confiance dans votre foi ! O soldats, si vous reculez vous êtes perdus ; mais si vous tenez ferme, vous triompherez. Et d'ailleurs, le courage n'est que la patience durant un moment ; et il n'y a pas de chose étroite qu'Allah ne puisse élargir ! Je demande donc au Très-Haut de vous bénir et de vous regarder d'un œil clément !» Lorsque les musulmans eurent entendu ces paroles, leur courage ne connut plus de limites et ils crièrent tous : «Il n'y a d'autre Dieu qu'Allah !» Et, de leur côté, les chrétiens, à la voix de leurs prêtres et de leurs moines, invoquèrent le Christ, la croix et la ceinture. Et, à ces cris mêlés, les deux armées en vinrent aux mains terriblement; et le sang coula à flots ; et les têtes s'envolèrent des corps. Alors les bons anges furent du côté des Croyants ; et les mauvais anges embrassèrent la cause des mécréants ; et l'on vit où étaient les poltrons et où étaient les intrépides ; et les héros bondissaient dans la mêlée et les uns tuaient et les autres étaient renversés de leurs selles ; et la bataille se fit sanglante et les corps jonchèrent le sol et s'entassèrent à hauteur de cheval. Mais que pouvait l'héroïsme des Croyants contre la quantité prodigieuse des Roum maudits ! Aussi, à la tombée de la nuit, les musulmans étaient repoussés et leurs tentes saccagées, et leur campement était tombé au pouvoir des gens de Constantinia. Et c'est alors qu'en pleine déroute, ils rencontrèrent l'armée victorieuse du roi Daoul'makân qui s'en revenait de la vallée où avaient trouvé la défaite les chrétiens du monastère. Alors Scharkân appela le grand chambellan et à haute voix, devant les chefs réunis, le félicita et le glorifia pour sa fermeté dans la résistance et sa prudence dans la retraite et sa patience dans la défaite. Puis tous les guerriers musulmans, maintenant réunis en une armée massive, ne respirèrent plus que l'espoir de la vengeance et, les étendards déployés, s'avancèrent sur Constantinia. Lorsque les chrétiens virent s'approcher cette armée formidable sur laquelle s'éployaient les bannières où étaient inscrites les paroles de la foi, ils devinrent d'une pâleur de safran et se lamentèrent et invoquèrent le Christ et Mariam et Hanna et la croix, et prièrent leurs patriarches et leurs prêtres infâmes d'intercéder pour eux auprès de leurs saints. Quant à l'armée musulmane, elle arriva sous les murs de Constantinia et songea à se disposer pour le combat. Alors Scharkân s'avança vers son frère Daoul'makân et lui dit : «O roi du temps, il est certain que les chrétiens ne refuseront pas la lutte, et c'est ce que nous souhaitons avec ardeur. Aussi je désirerais émettre un avis, car la méthode est la qualité essentielle de l'ordre et de tout arrangement.» (à suivre...)