Résumé de la 1re partie n Le coupable de l'incendie raciste est un mineur ; son identité et le mobile de son acte n'ont pas été révélés, ce qui provoque le courroux des Turcs. Et le cycle de la violence s'installe. Lundi après-midi, dans le calme, cette fois, deux mille Turcs convergent vers la maison calcinée où les familles des victimes font une veillée religieuse. Des mains anonymes continuent à déposer des bouquets devant la maison. Mais ce n'est qu'un répit. L'émotion des Turcs est toujours à son comble, notamment en Turquie même où les corps des cinq victimes doivent être rapatriés. La presse du pays se déchaîne contre les Allemands. Le principal quotidien, dont deux cent mille exemplaires sont vendus chaque jour en Allemagne, exige que les auteurs soient «jugés comme coupables d'un génocide». Un autre journal accuse les Allemands de «présenter des excuses après chaque événement, sans prendre des mesures contre les exactions racistes». Dans le même temps, le jeune homme de seize ans, arrêté, passe aux aveux sans que la police révèle son identité ni ses mobiles et, sur le terrain, la violence reprend. Elle se déchaîne comme jamais auparavant. C'est une véritable nuit d'émeute que connaît Solingen. Deux à trois mille jeunes Turcs descendent dans la rue. Ils sont huit mille dans la ville, soit 5% de la population, mais il en vient aussi d'ailleurs. Ils brisent tout ce qu'ils peuvent ils lancent des vélos contre les vitrines. Ils scandent : «Vengeance ! L'Allemagne doit mourir pour que nous vivions ! Pour chaque Turc abattu, deux Allemands !» Parmi eux, il y a des extrémistes très virulents, les «Loups gris», ultranationalistes turcs, qui s'avouent, eux aussi, d'extrême droite et qui affirment : «Il n'y a que le fascisme pour répondre au fascisme.» Ces débordements provoquent de violentes réactions de la part des Allemands. Un automobiliste de Solingen renverse une manifestante et la blesse grièvement... C'est dans ce climat extrêmement tendu qu'a lieu, le jeudi 3 juin, une cérémonie funèbre devant la maison incendiée. Les cinq cercueils, dont les trois de petite taille qui renferment les corps des enfants, sont alignés devant l'entrée. Sur la façade calcinée ont été déployés le drapeau allemand, celui du land de Rhénanie-Westphalie et celui de Turquie, en berne. Et, en début d'après-midi, c'est la cérémonie officielle à la mosquée de Cologne. Il s'agit, en fait, d'un ancien entrepôt, un grand hangar, sans décoration ni minaret. Le président de la République allemande, Richard von Weizsacker, représente ses compatriotes. Dans une allocution remarquée, il demande une meilleure intégration des Turcs en Allemagne. Il va jusqu'à suggérer de leur accorder le droit de vote et la double nationalité, mais il dénonce dans le même temps les actes de vandalisme commis par les manifestants et rappelle que les fauteurs de troubles étrangers peuvent être expulsés... Les troubles ne recommenceront pas... Le calme est revenu à Solingen et dans le reste de l'Allemagne. Et les journaux publient les résultats de l'enquête, qui sont enfin rendus publics. L'inculpé, qui a avoué être l'incendiaire, s'appelle Christian R. Il a seize ans. Son profil, à la fois banal et inquiétant, est celui de toute une jeunesse défavorisée, tentée par la violence et le racisme. Christian R. habitait, depuis quelques mois seulement, Solingen, seul avec sa mère, à cent mètres de la maison calcinée. Il n'a jamais connu son père qui a abandonné le domicile conjugal avant sa naissance. Pour se faire un peu d'argent, il travaillait dans une station-service toute proche. Pour se distraire et peut-être pour d'autres raisons moins anodines, il suivait des cours d'arts martiaux avec un professeur qui avait la réputation d'être d'extrême droite. Christian R. fréquentait des groupes néo-nazis. Il allait quelquefois avec d'autres jeunes au crâne rasé, en blouson et rangers, chanter dans un terrain vague des chants hitlériens et graver des croix gammées sur les arbres. (à suivre...)