El-Ouricia est l?archétype même de toutes ces bourgades de l?arrière-pays dont les pouvoirs publics n?entretiennent que la façade, la vitrine et dont le côté arrière-cour montre toute l?ampleur des dégâts. El-Ouricia est livrée à elle-même. L?APC ne dispose que de moyens dérisoires pour donner le change. Hormis l?artère principale par laquelle passent tous les voyageurs qui se rendent à Béjaïa, Jijel et tout le nord de la wilaya, la population n?a d?autre choix, en hiver, que de se dépatouiller dans la boue qui fait partie de son quotidien, ou de la poussière, en été, qui envahit jusqu?au linge plié dans les armoires. El-Ouricia est un cloaque à ciel ouvert, la misère s?y étale au grand jour pendant que dans le chef-lieu, à Sétif, les trottoirs sont renouvelés alors qu?ils sont encore praticables et que des sommes faramineuses sont englouties pour repeindre les trottoirs en blanc et rouge. Et en blanc et jaune, depuis peu. Mais la grande leçon que les pouvoirs publics et autres serviteurs de l?État devraient tirer, c?est la grande vitalité dont font montre les gens d?El-Ouricia. Dans cette petite bourgade de moins de dix mille âmes, pas moins de 170 artisans menuisiers se sont installés et qui emploient des centaines de salariés. C?est une dynamique parallèle qui a ses propres règles et qui a su s?adapter à la médicorité ambiante. Beaucoup d?employés ne sont même pas déclarés. Les chiffres d?affaires sont revus à la baisse. La corruption de fonctionnaires bat son plein. L?Etat et ses attributs ne sont qu?une vue de l'esprit. L?Etat et ses attributs sont une notion abstraite et omni-absente. L?Etat ne se manifeste que pour réprimer ou prélever sa dîme en pots-de-vin, par commis interposés. L?Etat ne s?y manifeste que les jours de vote. Les gens d?El-Ouricia le savent bien, eux qui ont oublié qu?on pouvait compter sur l?Etat. Demandez aux parents d?Aymane ! Ou même à ceux de ses petits meurtriers.