"Ghettos" Les maladies se conjuguent à misère et privations dans des bidonvilles nés du fait de l?exode. La wilaya de Blida a enregistré, ces dix dernières années, de profondes mutations au plan de l?urbanisation, avec le développement incontrôlé des quartiers périphériques et bidonvilles. Le nombre est considérable. Plus de 15 000 familles ont fui leur région d?origine. «Le quartier de la mort», c?est en ces termes que les habitants de Sidi Abdelkader qualifient le «leur» qui était venu, petit à petit, «se greffer» à leur cité autrefois paisible et propre, aujourd?hui devenue insupportable. Dans les bidonvilles qui se sont formés au c?ur même de la ville, des enfants en bas âge meurent de misère et d?absence d?hygiène. Le minimum pour une vie décente est totalement inexistant en l?absence de commodités tels l?éclairage public et, parfois, l?eau potable. Eté comme hiver, la vie y est pratiquement impossible avec les risques latents de maladies dont celles à transmission hydrique. Boue en période hivernale et poussière en été forment le quotidien de tout un chacun des 15 000 habitants qui vivent quotidiennement le calvaire. L?image de désolation, qui frappe tout visiteur, est mise en relief par les monticules d?ordures et d?immondices, les tas de ferraille et les bidonvilles qui agressent le regard. Depuis plus de 7 ans, cet exode semble ne faire l'objet d?aucune attention des autorités de la wilaya ou de leurs communes respectives. A Sidi Abdelkader, Beni Merad, Belaouedi, Benimellal, Zayen et autres, les conditions de vie sont plus que misérables. La souffrance se conjugue au quotidien, les habitants de ces quartiers se meurent à petit feu. Ils attendent des jours meilleurs, tout en comptant leurs morts. Enfants et personnes âgées se trouvent impuissants devant cette situation. Un tour à l?intérieur de ces bidonvilles nous a permis de constater de visu la gravité de la situation. Dans ces bidonvilles, la détresse a atteint son paroxysme. Ces familles pansent leurs blessures dans la résignation. Mais la hogra les fait sortir de leur réserve. L?histoire de leur drame ne s?oublie pas, elle se transmet de père en fils. «Les habitants des douars meurtris ont tout perdu», clament les familles rencontrées à Moun-Henni. Quatre ans après les actes terroristes commis dans cette localité, les traces de l?horreur sont toujours là. «Peut-être, un jour, lorsque justice sera rendue aux victimes», lance Abdelkader, du douar shanine, commune de Souk El-Had, daïra de Ami-Moussa. Il a vu de ses propres yeux huit membres de sa famille égorgés le premier jour du ramadhan, le 30 décembre 1997. Ces rescapés refusent de revenir dans leur douar «maudit». «Pourquoi faire ?». «On n?a rien laissé là-bas, on a tout perdu», lâche Brahim avec amertume. Six membres de sa famille ont été assassinés à Kherrareb. «Maintenant, nous n?avons plus rien, même nos mulets ont été abattus par les terroristes», dit Djaber, l?un des rescapés du douar El-Kalaâ, dans la localité de Rad Echekala, dans les daïra Aïn Tarek. Aujourd?hui, il enseigne le Coran dans une mosquée à Blida. «Je subviens aux besoins de ma famille grâce au filet social», ajoute-t-il. Djaber perçoit mensuellement 2 800 DA. Tête baissée, les yeux larmoyants, il arrive difficilement à évoquer sa situation. Il a honte de sa misère. Autrefois, il possédait une parcelle de terre et un mulet, alors qu?aujourd?hui, il est totalement démuni. Il fait vivre treize âmes avec la modeste somme que?«el houkouma» lui alloue dans le cadre du filet social et des dons de certaines personnes. Aujourd?hui, tout cela est une réalité concrète. Les bidonvilles sont bien là avec leurs milliers d?habitants et toutes leurs souffrances. Au-delà des promesses électorales jamais tenues, leurs cris de désespoir auront-ils l?écho escompté auprès des futurs élus.