Résumé de la 160e partie n Aziz arrive aux îles du Camphre et du Cristal pour y être reçu par la princesse Donia, seule personne qui peut le guérir. Mais il n'est pas facile de l'approcher. Alors, je m'avançai vers lui et, après les salams d'usage, je lui dis : «O cheikh, à qui ce jardin ?» Il dit : «A la fille du roi, Sett Donia ! Tu peux même, ô bel adolescent, entrer te promener un moment et respirer l'odeur des fleurs et des plantes.» Je lui dis : «Comme je te remercie ! Mais ne pourrais-tu pas me permettre, ô cheikh, d'attendre, caché derrière un massif de fleurs, l'arrivée de la fille du roi, simplement pour que je me réjouisse la vue d'un seul regard que je lui jetterai de mes paupières ?» Il dit : «Par Allah ! cela non !» Alors je soupirai bien fort ; et il me regarda avec tendresse, puis il me prit la main et entra avec moi dans le jardin. Nous nous mîmes ainsi à marcher de compagnie ; et il me conduisit dans un endroit charmant, ombragé par les feuilles humides ; et il cueillit des fruits, les plus mûrs et les plus délicieux, et me les donna en me disant : «Rafraîchis-toi ! Il n'y a que la princesse Donia qui en connaisse le goût !» Puis il me dit : «Assieds-toi ! Je vais revenir !» Et il me quitta un moment pour revenir chargé d'un agneau grillé, et m'invita à le manger avec lui ; et il me dépeça les morceaux les plus délicats, et me les donna avec un plaisir extrême. Et moi j'étais bien confus de toutes ses bontés et je ne savais comment le remercier. Or, pendant que nous étions assis à manger et à causer amicalement, nous entendîmes la porte du jardin s'ouvrir en chantant. Alors le cheikh gardien me dit vivement : «Vite ! Lève-toi et cache-toi au milieu de ce massif. Et surtout ne bouge pas !» Et je me hâtai de lui obéir. A peine étais-je dans ma cachette que je vis, dans l'entrebâillement de la porte du jardin, apparaître la tête d'un eunuque noir qui demanda à haute voix : «O cheikh gardien, y a-t-il quelqu'un par ici ? La princesse Donia arrive !» Il répondit : «O chef du palais, je n'ai personne dans le jardin !» Et il se hâta de courir et d'ouvrir toute grande la porte. Alors, seigneur, je vis entrer par la porte Sett Donia, et je crus que la lune elle-même descendait sur la terre. Et sa beauté était telle que je restai cloué sur place, hébété, sans mouvement, mort. Et je la suivais du regard, sans pouvoir émettre un souffle, malgré l'ardeur où j'étais de lui parler ; et je demeurai immobile à ma place, durant toute la promenade que fit la princesse, absolument comme l'altéré du désert qui tombe à bout de forces sur les bords du lac sans pouvoir se traîner jusqu'à l'eau limpide. Je compris alors, seigneur, que ni la princesse Donia ni aucune autre femme ne pouvaient désormais courir de risques devant la femme que j'étais moi-même devenu. J'attendis donc que la Sett Donia fut sortie pour prendre congé du cheikh gardien ; et je me hâtai d'aller rejoindre les marchands de la caravane en me disant : «O Aziz, qu'es-tu devenu, Aziz ? Un ventre lisse qui ne peut plus dompter les amoureuses ! Va ! retourne près de ta pauvre mère mourir en paix dans la maison vide de son maître ! Car pour toi désormais, la vie n'a plus de sens !» Et, malgré toutes les peines du voyage que j'avais fait pour arriver dans ce royaume, mon désespoir fut tel que je ne voulus plus mettre à exécution les paroles d'Aziza, qui m'avait formellement assuré que la princesse Donia devait être pour moi une cause de bonheur. Je partis donc avec la caravane pour retourner dans mon pays. Et c'est ainsi que j'arrivai sur ces terres qui sont sous le pouvoir du roi Soleïmân-Schah, ton père, ô prince Diadème ! Et telle est mon histoire ! Lorsque le prince Diadème eut entendu cette histoire admirable et... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. (à suivre...)