Phénomène n La phytothérapie a pris, ces dernières années, l'ampleur d'une médecine alternative privilégiée des Algériens, ouvrant la voie à des charlatans faisant figure de médecins opérant au sein de pseudocabinets médicaux. En franchissant le seuil de ces lieux, l'on est frappé par l'affluence considérable, notamment de la gent féminine. Une affluence que le meilleur des médecins spécialistes, ayant dédié sa vie à l'étude de la médecine, ne saurait drainer. Abordée en instance de «consultation», une quadragénaire explique cette forte affluence par le fait que l'herboriste n'exige nul frais de consultation, à l'exception du coût des plantes médicinales prescrites, alors qu'une consultation chez un médecin spécialiste avoisine les 1 000 DA, sans compter le prix exorbitant des médicaments prescrits. Adhérant sans réserve à ces propos, une autre dame confie qu'«à chaque fois que je demande à mon mari, qui est un simple fonctionnaire, de m'emmener chez le médecin, une dispute éclate en raison des frais médicaux à telle enseigne que nous frôlons le divorce», soulignant que «depuis que je consulte les herboristes, la quiétude règne dans notre couple». Une troisième dame renchérit en attestant de «l'efficacité des prescriptions des herboristes», reconnaissant néanmoins que la médecine classique reste indispensable et relève que «nombre de médicaments sont à base d'herbes». Ne voulant pas être en reste, une vieille dame confie que «si Mokrane, cet herboriste établi dans un quartier populaire d'Alger, dissipe toutes ses douleurs de côlon, d'estomac, d'oreilles et autres», elle assure que «l'ensemble des médecins consultés imputent ces maux à son âge avancé et lui prescrivent un tas de médicaments qui obèrent le budget de son fils, sans améliorer son état de santé». «L'herboriste que je consulte, m'écoute attentivement et me prescrit des plantes médicinales qui atténuent le mal qui me ronge dès que je commence à les prendre», fait-elle observer. Interrogés, des psychologues expliquent cette pseudo-amélioration par une prédisposition psychique qui atténue le mal, parfois dès que le malade franchit le seuil des locaux des herboristes, ajoutant que «la cherté de la médecine classique dissuade les patients qui croient trouver en la phytothérapie une certaine panacée». Voulant en savoir davantage sur le «sauveur» de cette vieille dame, nous nous sommes rendus chez Si Mokrane. Nous avons découvert un cabinet, ou plutôt un local plein de femmes affluant des quatre coins du pays dès que pointe l'aurore pour figurer parmi les «privilégiés» qui bénéficieront d'une consultation. Bidons, bocaux et autres bouteilles de différentes formes et couleurs sont les ustensiles que Cheikh Si Mokrane utilise pour garder les plantes prescrites aux malades contre la modeste somme de 80 DA, mais qui lui permet quand même de gagner sa vie. Préoccupé beaucoup plus par ses patients venus le voir en grand nombre, cheikh Si Mokrane s'est excusé de ne pouvoir nous consacrer un moment pour parler des secrets de cette profession, promettant de le faire plus tard, notamment durant le ramadan, où les patients se font rares.