Résumé de la 6e partie n Le prince Diadème et Aziz louent la plus belle boutique du souk. Ils y rangent leurs marchandises puis vont au hammam. Or, comme ils marchaient ainsi les premiers, le vieux cheikh remarquait combien gracieuse était leur démarche. Alors il ne put plus comprimer ses élans et il récita ces strophes au sens compliqué : «Il n'y a point à s'étonner si, examinant les formes qui charment notre cœur, nous les voyons frémir, bien que massives de poids. Car toutes les sphères du ciel tressaillent en tournoyant et tous les globes frémissent au mouvement.» Lorsque les deux adolescents eurent entendu ces vers, ils furent loin d'en deviner le sens et de soupçonner la lubricité du vieux cheikh. Au contraire ! Ils crurent y saisir une délicate louange à leur intention et ils en furent très touchés et le remercièrent et voulurent à toute force l'entraîner avec eux au hammam, pour lui faire plaisir, puisque c'était là la plus grande marque d'amitié. Et le vieux du souk, après quelques difficultés pour la forme, accepta et reprit avec eux le chemin du hammam. Lorsqu'ils furent entrés, le vizir, qui se séchait dans une des salles privées, les vit ; et, en apercevant le cheikh, il sortit au devant d'eux et s'avança vers le bassin central, où ils s'étaient arrêtés, et invita chaleureusement le cheikh à entrer dans sa salle à lui ; mais le vieillard ne voulait point, disait-il, abuser de tant de bonté, d'autant que Diadème et Aziz le tenaient chacun par une main et l'entraînaient déjà vers la salle qu'ils s'étaient réservée. Alors le vizir n'insista pas et rentra se sécher. Une fois seuls, Aziz et Diadème déshabillèrent le vénérable cheikh et se dévêtirent eux-mêmes et commencèrent par le masser énergiquement, pendant qu'il coulait vers eux des regards furtifs ; puis Diadème jura que c'était à lui seul que revenait l'honneur de le savonner, et Aziz jura qu'il lui restait, à lui, le plaisir de lui verser l'eau avec le petit bassin de cuivre. Et, entre eux deux, le vieux cheikh se croyait transporté au paradis. Et ils ne cessèrent de la sorte de le frictionner, de le savonner et de lui verser l'eau, qu'une fois le vizir arrivé au milieu d'eux, à la grande désolation du vieux cheikh. Alors ils l'épongèrent avec les grandes serviettes chaudes, puis avec les serviettes fraîches et parfumées, et l'habillèrent et l'assirent sur l'estrade où ils lui offrirent des sorbets au musc et à l'eau de rose. Alors le cheikh fit semblant de prendre intérêt à la conversation du vizir, mais en réalité il n'avait d'attention et de regards que pour les deux adolescents qui allaient et venaient, gracieux, pour le servir. Et, comme le vizir lui faisait les souhaits d'usage après le bain, il répondit : «Quelle bénédiction est entrée avec vous autres dans notre ville ! Et quel bonheur que votre arrivée !» Et il leur récita cette strophe : «A leur venue, nos collines ont reverdi et notre sol a tressailli et refleuri. Et la terre et les habitants de la terre ensemble se sont écriés : ”Aisance douce et amitié aux hôtes charmants !”» Et tous les trois le remercièrent pour son exquise urbanité ; et il répliqua : «Qu'Allah vous assure à tous la vie la plus agréable et préserve, ô marchand illustre, tes beaux enfants du mauvais œil !» Le vizir dit : «Et que le bain te soit, par la grâce d'Allah, un redoublement de force et de santé ! Car, ô vénérable cheikh, n'est-ce point que l'eau est le vrai bien de la vie en ce monde et le hammam un séjour de délices ?» (à suivre...)