Demain s'ouvre, à Accra, le Sommet de l'UA avec, en arrière-fond, la promotion des «Etats-Unis d'Afrique» chère à El Gueddafi. Accra, capitale du Ghana, accueille à partir de demain et jusqu'au 3 juillet, la neuvième session ordinaire de l'Union africaine, lors de laquelle plusieurs centres d'intérêt, inscrits à l'ordre du jour, seront débattus avec comme point d'orgue, l'élection du président et du vice-président de la Commission et la nomination des différents commissaires. Le Sommet d'Accra examinera, également, le rapport du Comité des chefs d'Etat et de gouvernement quant à la mise en oeuvre du Nouveau partenariat pour le développement (Nepad) dans les structures de l'Union africaine. L'autre point qui va sans doute susciter l'intérêt des chefs d'Etat africains concerne le Darfour et la mise en place d'une force hybride Union africaine-Nations unies, à laquelle le Soudan, sous la pression internationale, a fini par donner son accord. Toutefois, notons que le président soudanais, Omar Hassan Al-Béchir, sera absent de la réunion d'Accra. Officiellement, M.Al-Béchir a annulé sa participation au Sommet africain, à la suite du deuil observé dans son pays, après la mort mercredi, dans un accident de voiture, de l'un de ses conseillers, Majzoub Al-Khalifa, chargé justement de la question du Darfour. Mais le Sommet d'Accra sera surtout marqué par le grand débat sur le gouvernement africain. Un «gouvernement africain» dont le colonel libyen, Mouamar El Gueddafi, en a fait son «dada» allant jusqu'à faire par la route le parcours menant à la capitale ghanéenne pour promouvoir son idée des «Etats-Unis d'Afrique». Rien que ça! Au Mali, en Guinée, en Côte d'Ivoire, partout où il s'est arrêté, suivi d'une impressionnante caravane de plus de 100 voitures, M. El Gueddafi a redit qu'il ne pensait pas que du bien de ce qui se fait en Afrique. Aussi, excipant du fait que, selon lui, l'OUA (devancière de l'Union africaine) a échoué, que l'Union africaine portée sur les fonds baptismaux un 9 juillet 2002, voici cinq ans, aurait aussi échoué, que le Parlement africain, n'est rien d'autre qu'un «Parlement croupion», le guide libyen, au verbe toujours flamboyant, voit plus grand en proposant rien moins qu'une confédération des «Etats africains». Mouamar El Gueddafi semble ainsi pressé par le temps, mais comment compte-il fédérer 53 Etats africains -avec leur particularisme alors que nombreux sont encore en état de fondation ou de refondation, marqués, par ailleurs, par les guerres civiles, le sous-développement et autres paramètres qui ne leur ont pas permis, notamment, de se stabiliser- quand, selon son propre aveu, l'Union du Maghreb (cinq Etats) est un échec consommé -échec qui est aussi celui de M.El Gueddafi, membre fondateur de l'Union maghrébine- du fait que les dirigeants maghrébins n'ont pas été capables de surmonter les problèmes qu'ils avaient eut à affronter ni de dépasser les conjonctures du moment. Pourtant l'Union africaine -dont l'Acte constitutif de la nouvelle organisation est défini dans la Déclaration de Syrte (Libye), du 9 septembre 1999, qui a posé ses objectifs et ses limites institutionnelles - créée officiellement à Durban (Afrique du Sud) le 9 juillet 2002, donne l'impression d'être sur le bon chemin en commençant par consolider les fondations du rassemblement africain par la mise en place de diverses structures, dont la Commission africaine et singulièrement la Commission de paix et de sécurité (CPS-UA), une sorte de Conseil de sécurité africain dont le travail entamé a commencé à donner ses fruits par l'implication directe de l'Union africaine dans les divers conflits (à l'instar de ceux du Burundi, de Somalie et tout récemment du Soudan- Darfour) malgré le manque de moyens, notamment financiers, qui freinent son action. L'Afrique doit se construire étape par étape, l'Union européenne -qui a commencé à six- nous en donne l'exemple qui est aujourd'hui créditée de 27 membres -après 50 ans d'existence- en tenant compte des réalités socioculturelles, économiques et politiques qui sont ceux présentement du continent africain. L'Afrique ne peut brûler les étapes au risque de remettre en cause son développement intégré alors que, intellectuellement, politiquement et socialement, les Africains ne sont pas prêts à un tel bond qualitatif. Il faut d'abord faire avec ce que l'Afrique possède déjà, renforcer ce qui existe, dépasser, entre autres, les contentieux frontaliers qui ont constitué l'un des freins dans l'émancipation et l'évolution de l'Afrique. Si l'Union africaine n'a pu aller plus avant que sa devancière OUA, dans sa construction, c'est qu'elle s'est heurtée jusqu'ici au principe de souveraineté étatique, en sus des difficultés financières qui ne lui ont pas permis de mettre sur pied l'ambitieux programme d'intégration et de mise en oeuvre de politiques communes. Les différents sommets et conférences de chefs d'Etat et de gouvernement qui se sont succédé ces dernières années, notamment ceux de Syrte en 2005, de Banjul (Gambie) en 2006, avaient soutenu l'idée d'une sorte de confédération africaine. En novembre 2006, le Conseil exécutif de l'UA avait alors affirmé que «tous les Etats membres se sont unanimement mis d'accord au sujet des Etats-Unis d'Afrique». Il n'en reste pas moins qu'au vu du cheminement qu'ont connu les organisations africaines, ces dernières années, l'impréparation des esprits à une telle finalité, en sus de l'immensité du continent et des énormes problèmes auxquels il est confronté, l'idée des Etats-Unis d'Afrique est, pour l'heure, à tout le moins utopique. Il faut se rendre à cette évidence, lorsque l'Union africaine n'arrive pas -faute de moyens financiers, matériels ou humains ou tout cela à la fois- à concrétiser ses projets en Somalie, au Darfour et partout où les conflits locaux ou interafricains nécessitent son intervention, il est irréaliste de prétendre construire un ensemble fédéral africain composé de 53 pays dont chacun a ses priorités, ses difficultés...