Résumé de la 31e partie n Le poète qui déclame des vers dans la nuit est un Bédouin qui veut réduire Kanmakân en esclavage. «Et alors ceux de la tribu jugeront de ta vaillance et de ton héroïsme, ô Bédouin !» Et le Bédouin, devant le danger pressant au moment où Kanmakân le soulevait en l'air pour le jeter dans la rivière, s'écria : «O jeune héros, je t'adjure par les yeux de ton amoureuse Force-du-Destin de m'accorder la vie sauve ! Et désormais je serai le plus soumis de tes esclaves !» Et aussitôt Kanmakân recula vivement et le déposa à terre doucement en lui disant : «Tu m'as désarmé par ce serment !» Et ils s'assirent tous deux sur le bord du courant et le Bédouin tira de sa besace un pain d'orge qu'il rompit et dont il donna la moitié à Kanmakân avec aussi un peu de sel ; et leur amitié désormais se consolida sincèrement. Alors Kanmakân lui demanda : «Compagnon, maintenant que tu sais qui je suis, veux-tu me dire toi-même ton nom et celui de tes parents ?» Et le Bédouin dit : «Je suis Sabah ben-Remah ben-Hemam de la tribu de Taïm, dans le désert de Scham. Et voici, en peu de mots, mon histoire. «J'étais encore en très bas âge quand mon père mourut. Et le fus recueilli par mon oncle et élevé dans sa maison en même temps que sa fille Nejma. Or, j'ai aimé Nejma, et Nejma également m'aima. Et lorsque je fus en âge de me marier, je la voulus pour épouse ; mais son père, me voyant pauvre et sans ressources, ne voulut point consentir à notre mariage. Pourtant, devant les remontrances des principaux cheikhs de la tribu, mon oncle voulut bien me promettre Nejma comme épouse, mais à condition de lui constituer une dot composée de cinquante chevaux, cinquante chamelles de race, dix esclaves femmes, cinquante charges de blé et cinquante charges d'orge, et plutôt plus que moins. Alors, moi je jugeai que la seule façon de constituer cette dot de Nejma était de sortir de ma tribu et d'aller au loin attaquer les marchands et piller les caravanes. Et telle est la cause de mon séjour, cette nuit, dans l'endroit où tu m'as entendu chanter. Mais, ô compagnon, qu'est ce chant si tu le comparais à la beauté de Nejma ! Car, qui voit seulement Nejma une fois dans la vie, se sent l'âme pleine de bénédiction et de bonheur pour le restant de ses jours !» Et, ayant dit ces paroles, le Bédouin se tut. Alors Kanmakân lui dit : «Je savais bien, compagnon, que ton histoire devait ressembler à la mienne ! Aussi désormais, nous allons combattre côte à côte et gagner nos amantes avec le fruit de nos exploits !» Et, comme il venait de terminer ces mots, une poussière s'éleva dans le loin pour se rapprocher rapidement ; et, une fois dissipée, devant eux apparut un cavalier dont le visage était jaune comme celui d'un mourant, et dont les habits étaient imprégnés de sang et il s'écria : «O Croyants, un peu d'eau pour laver ma blessure ! Et soutenez-moi, car je vais rendre l'âme ! Secourez-moi et, si je meurs, mon cheval vous appartient !» Et, en effet, le cheval que montait le cavalier n'avait pas son égal parmi tous les chevaux des tribus et sa beauté rendait perplexes tous ceux qui le regardaient, car il atteignait à la perfection des qualités requises d'un cheval du désert. Et le Bédouin, qui s'y connaissait en chevaux comme tous ceux de sa race, s'écria : «En vérité, ô cavalier, ton cheval est un de ceux qu'on ne voit plus en ce temps !» Et Kanmakân lui dit : «Mais, ô cavalier, tends-moi le bras que je t'aide à descendre !» Et il prit le cavalier qui se sentait s'en aller, et le déposa doucement sur le gazon, et lui dit : «Mais qu'as-tu donc, frère, et quelle est cette blessure ?» Et le Bédouin entrouvrit son vêtement et montra son dos qui n'était plus qu'une plaie énorme d'où le sang s'échappait à flots. (à suivre...)