Expression n La danse africaine contemporaine se révèle, sur le continent noir, d'une grande vitalité et expressivité, et cela en dépit du manque de moyens qui réduit souvent les danseurs à la débrouille. C'est ce dont témoigne la Biennale de la danse qui se tient à Lyon (France). Cinq compagnies africaines y sont présentes pour montrer la beauté, la variété, l'authenticité et la créativité de leur danse, mais également pour «corriger» le regard réducteur orienté vers cet art corporel. «D'emblée, le mot danse africaine évoque l'archétype du danseur pieds nus qui tape sur le sol en rythme avec des tamtams», déplore Gérard Mayen, auteur d'un ouvrage sur la danse contemporaine au Burkina Faso. Pourtant, selon lui, en Afrique, il y a autant de différences qu'en Europe entre le flamenco, le néoclassique ou la bourrée. Avec un solo, une création sur du rap africain ou une chorégraphie intégrant les gestes d'un orchestre instrumental, les compagnies sénégalaises, burkinabes et sud-africaines à l'affiche de la Biennale illustrent cette variété. Pourtant, «en Afrique, c'est très dur d'être danseur», souligne Jean Temba, chorégraphe établi à Dakar, qui présente à Lyon sa dernière création Eau B nite (De l'eau à l'homme en wolof), une réflexion sur cette ressource dont la présence est bien réduite au sud du Sahel. «C'est déjà un combat d'expliquer que la danse est un métier, poursuit-il. Mais en plus, nous n'avons pas de subventions et pas d'outils de travail, il faut toujours se débrouiller.» Tel n'a pas toujours été le cas : sous la présidence de Léopold Sédar Senghor (1960/1980), le Sénégal avait accordé plus de place aux artistes. Une école panafricaine de danse, Mudra Afrique, avait même été créée en 1977 avec l'aide du chorégraphe suisse Maurice Béjart. Mais elle a dû fermer en 1982, deux ans après la démission du président. L'ancienne directrice de cette école, Germaine Acogny, présente à Lyon son dernier solo, Tchouraï (du nom de l'encens que mettent les femmes dans leur foyer). «Il y a une grande vitalité de la danse en Afrique, malheureusement nos gouvernements ne nous aident pas», assure à son tour la chorégraphe. Pour empêcher le départ des jeunes danseurs africains en Occident, elle a pris les choses en main et créé, avec son époux, à la fin des années 1990, l'Ecole des sables, un centre international de danses traditionnelles et contemporaines africaines. Salia Sanou et Seydou Boro, deux Burkinabes qui présentent à Lyon Un Pas de côté avec l'ensemble instrumental Ars Nova, ont pour leur part obtenu l'ouverture, prévue pour décembre prochain, d'un centre chorégraphique à Ouagadougou. Pour Seydou Boro, c'est la preuve que les choses changent : «Il nous aura fallu presque huit ans pour convaincre les autorités de l'importance d'ouvrir un lieu de travail pour la danse. Mais le gouvernement commence à prendre conscience de l'importance des compagnies du Burkina. D'ailleurs, il réfléchit à un statut pour les artistes.»En attendant, ils continuent tous de se battre. «Parce que nous avons envie de montrer ce qu'on fait», explique Jean Temba. Seydou Boro parle, lui, «du souci d'exister».