«Sofia Boutella avait passé un casting chez Michael Jackson et elle a été retenue pour sa prochaine tournée. Hélas! il est mort avant», a affirmé le chorégraphe Habib Tata. La chorégraphie existe-t-elle vraiment en Algérie? Y a-t-il de vrais chorégraphes? Existe-t-il réellement des danseurs professionnels en Algérie? Y a-t-il un marché pour la danse dans notre pays? Pourquoi cette discipline est-elle mise à l'écart et non soutenue par nos institutions? A quand la réouverture des salles de danse des APC notamment? Qu'attendons-nous pour former des professeurs? Où sont les Kader Belarbi et autres? La chorégraphie doit-elle passer impérativement par la formation académique classique? Mis à part l'Odac, où sont les écoles à même de former un jeune aux métiers de la scène? Quelques questions de base essentielles afin de situer et cerner la scène ou la situation de la danse en Algérie. Un premier constat: la chorégraphie est un art marginalisé dans notre pays. De cet échec annoncé, il y a lieu de souligner tout le marasme qui régit la (mauvaise) gestion de la culture en Algérie et sa scène artistique. Invité à la libraire Socrate, Habib Tata, danseur et chorégraphe talentueux de la compagnie Mezguen est venu témoigner de son expérience et donner son avis sur le sujet. Habib insistera sur le fait qu'on ne donne pas assez de chance aux danseurs algériens pour s'exprimer et montrer leur savoir-faire. «En Algérie, on a pas mal de projets mais on les donne aux étrangers. On leur donne les moyens. On les paie très bien. Or, nous, nous sommes marginalisés. Là-bas, on fait appel à nous pour chorégraphier les clips de Nawel Zoghbi et Amro Diab par exemple, or ici, on est rejetés. On nous empêche de travailler sans même nous connaître», fera-t-il remarquer avec dépit. Pour Habib Tata, qui avoue ne pas avoir participé au Festival culturel panafricain, le spectacle d'ouverture «n'avait aucun cachet algérien». Ce qu'il dénonce, tient-il à souligner, est le manque de formation qui fait développer cette discipline et la hisser en tant qu'art à part entière. Il soulignera le nombre de 4 050 danseurs qui existent à travers le territoire national dont la plupart chôment à défaut de prise en charge ou peu de sollicitation sérieuse pour se produire ici et à l'étranger. Il dira que ces danseurs n'avancent pas eu égard à la fermeture de salles de répétition, au manque de soutien des autorités etc., l'éternel dilemme. Il avouera toutefois être optimiste: «Mais on ne lâche pas l'affaire!». Sans se vanter, il relèvera que l'Algérie a les meilleurs danseurs du Maghreb. Il en donne pour preuve son classement en deuxième position après les USA au Festival Sakt à Amman. Autre point qu'il a tenu à rappeler, est la rivalité négative qui existe entre les chorégraphes en Algérie et le manque d'entente entre eux. N'ayant rien contre Kamel Ouali, il regrettera cependant que ce dernier soit venu avec ses danseurs en reléguant au second plan les Algériens ou en les laissant complètement de côté. Il fera remarquer l'envie de quelque danseurs sur la place d'Alger qui espèrent monter une école de danse, à l'image de Hakim Salhi, Sofia Boutella etc. Quand on sait que le père de celle-ci peine depuis des années à monter une école de musique, on a du mal à croire que cela puisse se faire, a fortiori, quand il s‘agit de la danse. Une discipline très décriée ou mal vue, faut-il le reconnaître, d'autant que nous avons, nous Algériens, un réel problème avec le corps, tient-on à relever parmi l'assistance. Habib Tata avouera qu'il n'y a que le compositeur Safy Boutella qui a donné aux Algériens la chance de montrer leur savoir-faire en montant des spectacles 100% algériens. C'est aussi grâce à lui qu'il a été découvert dans sa fameuse et belle fresque chorégraphique La Source (2001) puis dans Zarbot (2007). Et de relever: «Sofia Boutella avait passé un casting chez Michael Jackson et elle a été retenue pour sa prochaine tournée. Hélas! il est mort avant.. C'est une danseuse qui a su s'imposer aux côtés de grands danseurs dans le monde. Elle souhaite revenir au pays pour offrir ses services, mais quand elle sera à l'aise à l'étranger et bien armée...» Habib Tata rappellera les noms de Messaouda Idami mais aussi de Lydia de Tizi Ouzou et de Sarah, moins connues, mais néanmoins de bonnes chorégraphes qui peuvent faire quelque chose si on les aide. Lui-même avouera s'être fait connaître grâce à son travail acharné et sa persévérance et, notamment à ses créations dévoilées à l'étranger, étayant bien cet adage: «Nul n'est prophète en son pays». Habib confiera ne s'être jamais arrêté de danser même pendant les durs moments de la décennie noire et de noter: «Trois mois avant la guerre en Irak, nous avons aussi joué au Festival de Babylone en Irak.». Côté projet, il annonce sa prochaine collaboration avec une troupe du Gabon dans le cadre d'un spectacle d'échange entre l'Algérie et le Gabon. Il s'agira de fusionner le Koudoum, la danse traditionnelle gabonaise avec la danse algérienne. En fait, en parlant de son style hip-hop, avoue-t-il, il s'agit d'un mix entre les danses traditionnelles algériennes et la danse contemporaine. C'est ce qu'il tend à faire aujourd'hui grâce à sa compagnie ainsi que les deux précédentes (free style et Family). Il est prévu également de participer dans une tournée à travers le monde arabe en danse. De même qu'il a été à Amman (Jordanie) où il a été heureux de constater la qualité et le niveau des danseurs qui mêlent hip-hop à la break danse et la debka, idem quand il s'est rendu récemment à Dubaï.Ceci pour dire que les pays arabes évoluent également dans le domaine de la chorégraphie alors pourquoi pas l'Algérie? Pour peu qu'on croie en eux et qu'on leur en donne les moyens.