Résumé de la 44e partie n Le Bédouin qui avait jadis vendu Nôzhatou a la vie sauve en échange de la narration de son histoire. Le Bédouin continua : «Et en un temps de galop je me vis transporté hors de l'horreur nue et brûlante du désert de pierres. Et devant moi, près d'une source qui coulait sous les pieds des palmiers, une tente magnifique était dressée, près de laquelle deux juments superbes, les jambes réunies, paissaient l'herbe humide et glorieuse. «Alors je me hâtai de mettre pied à terre et d'abreuver mon cheval dont les naseaux jetaient le feu, et de boire moi-même de cette eau de source limpide et douce à mourir. Puis je pris une longue corde dans ma besace et j'attachai mon cheval pour qu'il pût librement se rafraîchir au vert de cette prairie. Après quoi une curiosité m'invita à me diriger vers la tente pour voir ce que pouvait être l'affaire. Et voici ce que je vis. «Sur une natte blanche était assis à son aise un adolescent aux joues vierges de poil ; et il était aussi beau que le croissant de la nouvelle lune ; et à sa droite une jeune fille délicieuse, nonchalante, de taille mince, délicate et souple tel le rameau jeune du saule, était étendue dans la splendeur de sa beauté. «Alors moi, à l'heure même et au moment, je devins amoureux à l'extrême limite de la passion, mais je ne sus exactement si c'était de l'adolescente ou de l'adolescent ! Car, par Allah, la lune est-elle plus belle, ou le croissant ? «A cette vue, je fis entendre ma voix et je leur dis : ”La paix sur vous !” Et aussitôt la jeune fille se couvrit le visage et le jeune homme se tourna vers moi et se leva et répondit : ”Et sur toi la paix !” Je dis : ”Je suis Hamad ben-El-Feari de la principale tribu de l'Euphrate ! Je suis l'illustre, le guerrier réputé, le cavalier redoutable, celui qui compte, par son courage et sa témérité, parmi les Arabes, à l'égal de la valeur réunie de cinq cents cavaliers ! Comme je poursuivais une autruche, le sort me conduisit jusqu'ici ; et je viens te demander une gorgée d'eau !” Alors le jeune homme se tourna vers la jeune fille et lui dit : ”Porte-lui à boire et à manger.” Et la jeune fille se leva ! Et elle marcha ! Et chacun de ses pas était marqué par le bruit harmonieux des grelots d'or de ses chevilles ; et derrière elle sa chevelure déployée la couvrait entière et lourdement se balançait tellement que l'adolescente en trébuchait. Alors moi, malgré les regards du jeune homme, je regardai fixement l'adolescente pour n'en plus détacher mes yeux. Et elle revint en portant sur la paume de sa main droite un vase rempli d'eau fraîche, et sur la paume de sa main gauche un plateau couvert de dattes, de porcelaines de lait caillé et de plats de viande de gazelle. «Mais moi je ne pus, tant la passion m'anéantissait, ni tendre la main ni toucher à rien de toutes ces choses. Je ne sus que regarder l'adolescente et réciter ces vers que je construisis à l'instant même : ”La neige de ta peau, ô jeune fille, ah ! Et la teinture de henné est fraîche et noire encore sur tes doigts et sur la paume de tes mains ! ”Et je crois voir, devant mes yeux émerveillés, se dessiner sur la blancheur de tes mains la figure de quelque brillant oiseau au noir plumage !” «Lorsque le jeune homme eut entendu ces vers et remarqué le feu de mes regards, il se mit à rire et tellement qu'il faillit s'évanouir. Puis il me dit : ”En vérité, je vois que tu es un guerrier hors pair et un cavalier extraordinaire !” Je répondis : ”Je passe pour tel ! Mais toi, qui donc es-tu ?” Et je grossis ma voix pour lui faire peur et me faire respecter. Et le jeune homme me dit : ”Je suis Ebad ben-Tamim ben-Thâlaba, de la tribu des Bani-Thâlaba. Et cette jeune fille est ma sœur.” Alors moi je m'écriai : ”Hâte-toi donc de me donner ta sœur comme épouse, car je l'aime passionnément et je suis de noble filiation !” Mais il me répondit : ”Sache que ni ma sœur ni moi nous ne nous marierons jamais. Car nous avons choisi cette terre fertile au milieu du désert pour y vivre notre vie en toute tranquillité, loin de tous les soucis !” Je dis : ”Il me faut ta sœur comme épouse, ou à l'instant même tu vas compter au nombre des morts, par le tranchant de ce glaive !”» (à suivre...)