Résumé de la 45e partie n Le marchand est envoûté par la sagesse de Nôzhatou. Le Bédouin est loin d?estimer une telle créature. Par crainte de la voir lui échapper, le marchand est prêt à tout pour la soustraire au Bédouin. Alors le Bédouin, un peu calmé, dit : «Soit ! mais combien m'en offres-tu, voyons ?» Le marchand répondit : «Le proverbe dit : c'est le père qui donne un nom à son fils ! Demande donc toi-même ce que tu penses légitime.» Mais le Bédouin ne voulut rien entendre et dit : «C'est à toi à faire ton offre.» Et le marchand pensa : «Ce Bédouin est une brute entêtée et totale. Que pourrais-je lui offrir, surtout maintenant que cette jeune fille vient de conquérir mon c?ur par le pouvoir de son parler et son éloquence. Et je pense que, de plus, elle doit savoir lire et écrire ; certainement. C'est là l'effet d'une bénédiction bien rare d'Allah sur elle ! Et dire que ce Bédouin ne sait pas l'estimer à sa juste valeur !» Puis il se tourna vers le Bédouin et lui dit : «Je t'en offre deux cents dinars d'or, outre les armes et les droits de vente qui reviennent au Trésor et que je prends sur moi de payer.» Mais le Bédouin, furieux, s'écria : «Oh ! marchand, allons-nous-en ! Je ne vends pas ! Car je ne céderais pas pour deux cents dinars même le vieux morceau de sac dont elle a la tête couverte ! C'est fini ! Je ne veux pas la vendre et je veux la garder avec moi et la ramener au désert pour lui faire paître mes chameaux et moudre mes grains !» Puis il cria à la jeune fille : «Viens ici, ô pourrie ! Nous partons !» Et comme le marchand ne bougeait pas, le Bédouin se tourna vers lui et lui cria : «Par mon bonnet ! je ne vends plus rien ! Tourne ton dos et va-t'en, ou sinon tu entendras de moi des choses qui ne t'agréeront pas !» Alors le marchand pensa à part lui : «Il n'y a plus de doute, ce Bédouin qui jure par son bonnet est un fou extraordinaire ! Je saurai tout de même lui faire lâcher prise, car cette jeune fille vaut tout un trésor de pierreries ; et si j'en avais le prix sur moi, je le donnerais tout de suite à cette brute, pour en finir.» Puis il dit tranquillement au Bédouin, en le tenant persuasivement par le manteau : «O cheikh des Bédouins, ne t'impatiente pas, de grâce ! Tu n'as pas, je le vois, l'habitude des ventes et des achats. Il faut beaucoup de patience et de savoir-faire dans ces questions. Sois tranquille et, moi, je te donnerai, crois-le, tout ce que tu voudras. Mais me faudra-t-il encore, avant tout, comme cela se fait dans ces sortes d'affaires, voir le visage et les traits de l'esclave.» Et le Bédouin dit : «Je veux bien ! Regarde-la tant que tu voudras et mets-la, si tu le veux, complètement nue, et palpe-la et touche-la partout et tant que cela te plaira !» Mais le marchand leva ses mains au ciel et s'écria : «Qu'Allah me garde de la mettre nue comme les esclaves ! je veux seulement voir son visage.» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Elle dit : Il m'est parvenu, ô roi fortuné, que le marchand dit : «Je veux seulement voir son visage.» Et il s'avança vers Nôzhatou, tout en s'excusant de la liberté, et s'assit plein de confusion à côté d'elle et lui demanda doucement : «O ma maîtresse, quel est ton nom ?» Elle lui dit en soupirant : «Me demandes-tu le nom que je porte à présent, ou mon nom du temps passé ?» Il lui dit, étonné : «Tu as donc un nom nouveau et un nom ancien ?» Elle répondit : «Oui, ô vieillard ! Mon nom ancien est Délices-du-Temps et mon nouveau est Oppression-du-Temps !» (à suivre...)