Résumé de la 43e partie n L'assassin de la princesse Abriza, le chamelier qui avait abandonné le roi Daoul'makân et le Bédouin qui avait vendu Nôzhatou sont démasqués… Alors Nôzhatou se mit à rire et s'écria : «C'est vraiment lui ! Car jamais on ne verra un fou semblable à lui ! Regarde-moi donc, ô Bédouin Hamad ! Je suis celle que tu as volée dans les rues de la Ville-Sainte et que tu as tant maltraitée !» Lorsque le Bédouin eut entendu ces paroles, il s'écria : «Par Allah ! c'est elle-même ! Ma tête va tout de suite s'envoler de mon cou, certainement !» Et Nôzhatou se tourna vers le marchand, qui était assis, et lui demanda : «Le reconnais-tu maintenant, mon bon père ?» Le marchand dit : «C'est lui-même, le maudit ! Et il est plus fou à lui seul que tous les fous de la terre !» Alors Nôzhatou dit : «Mais ce Bédouin, malgré toutes ses brutalités, avait une qualité : il aimait les beaux vers et les belles histoires.» Alors le Bédouin s'écria : «O ma maîtresse, c'est la vérité, par Allah ! Et je connais d'ailleurs une histoire tout à fait étrange qui m'est arrivée à moi-même. Or, si je la raconte et qu'elle plaise à tous ceux ici présents, tu me pardonneras et m'accorderas la grâce de mon sang !» Et la douce Nôzhatou sourit et dit : «Soit ! raconte-nous ton histoire, ô Bédouin !» Alors le Bédouin Hamad dit : «En vérité je suis un grand brigand, et la couronne sur la tête de tous les brigands ! Mais la chose la plus surprenante de toute ma vie dans les villes et le désert est la suivante. «Une nuit que j'étais seul, étendu sur le sable près de mon cheval, je me sentis l'âme haletante sous le poids des incantations maléfiques des sorcières, mes ennemies. Et ce fut pour moi une nuit terrible d'entre toutes les nuits ; car tantôt j'aboyais comme un chacal et tantôt je rugissais comme un lion et tantôt je me plaignais sourdement, en bavant comme un chameau ! Quelle nuit ! Et avec quels tremblements n'attendais-je pas sa fin et l'apparition du matin ! Enfin le ciel s'éclaira et mon âme se calma ; et alors, pour chasser les dernières fumées de ces rêves obsédants, je me levai vivement et je ceignis mon épée et saisis ma lance et sautai sur mon coursier que je lançai au galop, plus rapide que la gazelle. «Or, pendant que je galopais de la sorte, je vis soudain, droit devant moi, une autruche qui me regardait. Et elle était plantée juste en face de moi et semblait pourtant ne pas me voir. Et moi j'allais être sur elle. Mais, au moment précis où j'allais la toucher de ma lance, elle rua terriblement, tourna le dos, étendit toutes larges ses grandes ailes touffues et fila comme un trait dans le désert. Alors moi je la poursuivis sans arrêt et continuai de la sorte jusqu'à ce qu'elle m'eût entraîné dans une solitude pleine d'effroi où il n'y avait que la présence d'Allah et des pierres nues et où l'on n'entendait que les sifflements des vipères, les appels retentissants des génies de l'air et de la terre et les hurlements des goules en quête de proies ! Et l'autruche disparut comme dans un trou invisible à mes yeux ou dans quelque espace que voir je ne pouvais pas ! Et je frissonnai dans toute ma chair ; et mon cheval se cabra et recula en soufflant ! «Alors je fus dans une perplexité et une terreur considérables et je voulus tourner bride et revenir sur mes pas. Mais, où aller maintenant que la sueur coulait des flancs de mon cheval et que la chaleur de midi se faisait inexorable ? Et, de plus, une soif torturante me saisit à la gorge et fit haleter mon cheval dont le ventre s'ouvrait et se fermait comme un soufflet de forgeron. Et je pensai en mon âme : O Hamad ! c'est ici que tu mourras et ta chair servira à nourrir les petits des goules et les bêtes de l'épouvante ! Ici la mort, ô Bédouin ! «Or, au moment où je me disposais à faire mon acte de foi et à mourir, je vis dans le loin se dessiner horizontale une ligne de fraîcheur, avec des palmiers épars ; et mon cheval hennit et secoua la tête et, tirant la bride en avant, s'élança !» (à suivre...)