Sauvetage Méthodiquement, la mer est balayée de longs faisceaux lumineux. Inquiets, les marins se rendent en groupe au poste de la police maritime, à quelques mètres du quai, et signalent l?absence de «L?Intrépide». ? Il aurait dû rentrer depuis longtemps. ? Quand a-t-il pris la mer ? demande un officier. ? A l?aube, je l?ai vu sortir, dit Raïs Hmida? Il faut aller voir. Et, solidaires, les chalutiers sortent du petit port à la suite de la vedette de la police qui fonce vers le large, tous phares allumés. Les chalutiers se dispersent, balayent la mer de leurs torches. Des mégaphones lancent des appels? Mais, au bout de quelques heures, les recherches s?arrêtent et les marins reviennent. Il est près d?une heure du matin. ? Ils ont dû dériver vers le grand large? Attendons le matin pour continuer nos recherches. Les polices maritimes d?Oran de Ghazaouet, d?Arzew et des villes maritimes marocaines proches de la frontière sont alertées. Pourvu qu?ils soient encore vivants ! Au poste de police, les marins sont atterrés. Déjà, les familles des pêcheurs disparus sont là, les mères, mortes d?inquiétude, formant un petit groupe à part. Certaines pleurent doucement, réconfortées par leurs maris. ? On va les retrouver. Raïs Barhom a beaucoup d?expérience ; c?est un vieux loup des mers. Il va ramener nos garçons sains et saufs ! Le temps passe, oppressant. Les hommes, impuissants devant la catastrophe qui s?annonce au fil des heures, essaient de se rassurer, contre toute logique. ? Moi je crois savoir où ils sont ! Tous regardent Raïs Hmida qui vient de quitter sa chaise et se dirige vers la sortie du poste. ? Je vais aller les chercher ! Ils ont dû dériver vers l?est avec le vent qui a soufflé ce matin. Raïs Barhom a dû avoir un problème avec son bateau. Il était resté à quai toute la semaine dernière. Raïs Hmida choisit quatre hommes avec lui, parmi tous ceux qui veulent l?accompagner. ? Ramenez de grosses lampes torches et suivez-moi? Il faut environ deux heures au chalutier pour arriver à l?endroit choisi par Hmida. Soudain, il jette l?ancre et allume les grosses torches. Méthodiquement, la mer est balayée de longs faisceaux lumineux. Et soudain, un marin hurle de joie : ? Les voilà ! Tous accourent pour voir. Dans la lueur aveuglante, Barhom lève faiblement le bras. Trois autres marins sont près de lui, accrochés à une épave. ? Tenez-bon, les enfants nous arrivons ! crie Hmida dans le mégaphone. Et, lentement, il s?approche des naufragés. Attachés par des cordes, deux marins descendent du chalutier et nagent à leur rencontre, de lourds cordages accrochés à leur taille. Les naufragés sont attachés et on les aide à monter à bord. D?abord, les trois jeunes gens sont hissés, puis alors seulement Raïs Barhom met le pied sur le chalutier. Alors, le vieux loup des mers, celui qui chantait au plus fort de la tempête, qui encourageait ses «fils» à tenir bon, éclate en sanglots : ? Les autres sont morts et je n?ai pu les repêcher. Ils sont morts ! J?ai tout fait pour les sauver ! C?est moi qui les ai entraînés vers la mort !? Et tout ça à cause de ces maudits clous !