Lutte Ils restent agrippés à l?épave pendant de longues heures. Et, pour leur remonter le moral, Raïs entonne sa chanson préférée, Korsani ghenêm de Guerrouabi. Sa voix grossit, puis faiblit avec la houle, mais il ne s?arrêta pas. ? Chantez avec moi, garçons, allez ! Deux ou trois, épatés par le courage du Raïs, chantent un moment, puis se taisent, le souffle coupé par l?eau qui les submerge entièrement de temps à autre. Raïs chante encore un long moment, s?arrêtant parfois pour respirer... ? Korsani ghenêm ! Korsani ghenêm ! Ils restent agrippés à l?épave pendant de longues heures... La mer se calme, le vent tombe. Et soudain, Salah, le plus âgé des garçons, dit : ? Raïs, les secours auraient dû être là depuis longtemps s?ils nous avaient entendus. Je vais aller à la nage jusqu?à la terre et chercher de l?aide ! ? Non, Salah ! Attends, nous sommes trop loin du rivage. Mais Salah n?écoute pas. Il plonge et commence à nager vers la côte, qui est totalement invisible de là où ils sont. Choisit-il au moins la bonne direction ? Raïs hurle son nom, repris par ses camarades, mais le marin s?éloigne et bientôt, on ne voit plus sa tête qui entrait et sortait de l?eau. ? Il a coulé, dit Lyès. ? Il est trop fatigué pour arriver jusqu?à la côte, c?est un suicide ! Les autres sont silencieux et Tewfik, au bout d?un moment, craque : ? Raïs, nous allons mourir ! Je ne veux pas mourir, mon Dieu ! ? Assez ! crie Raïs. Agrippe toi bien et tais-toi. C?est un ordre. Vous êtes des hommes. Vous n?êtes pas les premiers à qui cela arrive ! Il faut juste attendre que les secours arrivent... Prions un peu, cela va vous faire du bien !... La nuit n?est pas loin, et soudain, Tewfik, épuisé, lâche l?épave et s?enfonce dans l?eau. Les autres sont trop fatigués pour le retenir. Raïs se lance dans sa direction, mais le garçon a disparu. La panique est à son comble. ? Courage, mes fils, courage ! Je vous promets, je vous jure que si vous tenez, vous aurez la vie sauve. Courage, pensez à vos familles. Un instant plus tard, Hicham se laisse aller à son tour. Raïs est désespéré. ? Tenez bon, les gars. j?ai survécu à trois naufrages, je suis encore vivant, tenez bon ! La nuit tombe. Raïs n?a plus que trois garçons autour de lui, épuisés... Sur le quai, tous les bateaux sont rentrés et la place de «L?Intrépide» est vide. (à suivre...)