Lundi 23 décembre 1957. Les quatre personnages principaux de cette histoire ne se livrent pas aux mêmes activités, deux jours avant Noël. Le capitaine Mac Carthy, l'un des meilleurs de la brigade des homicides de Queens Village, cent pour cent de réussite dans ses enquêtes, est fier du policier qu'il est, mais pas de l'homme. Il se traite d'imbécile. Sa petite amie l'a flanqué à la porte, il a un cadeau sur les bras, et se demande pour la vingtième fois au moins en vingt ans de carrière pourquoi diable il ne tombe que sur des femelles impossibles. Le métier sans doute. Pas le temps, manque de délicatesse, oubli des anniversaires, dîner fichu sur un coup de téléphone, nuit de veille, planqué dans une voiture... ?a n'aide pas. Le docteur Brussel, psychiatre et psychanalyste, est bien mieux dans sa peau. La nature l'a doté d'un calme remarquable, d'une aptitude à la réflexion, d'un sens de l'observation et de l'analyse qui ont fait de lui un homme célèbre. Il collabore souvent avec la police, et a connu dans ce domaine des réussites spectaculaires. Il écrit, donne des conférences, dispose d'un appartement agréable, et se sauve dans quelques jours en vacances pour la Jamaïque. Au soleil. Madame Nerich, la quarantaine un peu lourde, n'est pas malheureuse non plus. Certes, elle est veuve. Mais elle agrémente sa solitude en fréquentant des amis, et l'église régulièrement, elle s'occupe d'œuvres paroissiales, adore rendre service aux gens qu'elle aime bien, et qui le lui rendent bien. C'est une brave femme paisible, dont la vie n'a pas été particulièrement excitante ou aventureuse, mais elle en est contente. Elle est réceptionniste chez un médecin, habite une petite maison de bois d'un étage, où elle vit avec sa sœur et son beau-frère. Ce soir, elle revient d'une petite réception amicale et descend de l'autobus pour terminer le chemin à pied jusque chez elle. Le quatrième personnage est inconnu. Sa vie, ses mœurs, ses ambitions, son sexe, son nom, son âge, sa profession, tout est inconnu. Il marche dans une rue de Queens Village. Ce faubourg de New York est construit de petites maisons bourgeoises, bien rangées les unes à côté des autres. Parfois jumelles, parfois uniques. La faible lumière diffusée par d'antiques réverbères traverse mal le branchage des arbres qui bordent la rue et lui font un dais fantomatique. Silence et froid. Il est huit heures du soir. «Il» marche donc dans cette rue, derrière madame Nerich qui rentre chez elle. Il va la tuer. On ne sait pas pourquoi. Madame Nerich entend peut-être le bruit des pas derrière elle, sur le trottoir glacé. Elle se presse peut-être un peu. Elle a peut-être peur qu'un homme l'accoste, peut-être se retourne-t-elle un instant. Pas plus, car le crime est rapide. Un bras lui enserre le cou, et une main armée d'un couteau la frappe rageusement dans la poitrine, l'abdomen, frappe et frappe encore ; le sang coule de plusieurs blessures, et madame Nerich s'effondre sur le trottoir. Le capitaine Mac Carthy est chargé de l'enquête. Il est expédié sur les lieux du crime, et tenu par son chef de rendre son rapport avant Noël, vu que ledit chef a l'intention de passer Noël en famille, avec sa femme ses enfants, et son sapin enguirIandé. Mac Carthy fait donc les constatations d'usage et l'enquête de routine. Crime sexuel ? Non. Cette femme a été attaquée rageusement, se dit Mac Carthy, vu le nombre de coups frappés au hasard, mais visiblement sans intention de viol. En revanche, une femme qui marche dans la rue, sortant d'un autobus pour rentrer chez elle devrait avoir un sac. Elle n'en a pas, le mobile serait donc le vol. Deux heures plus tard, Mac Carthy et ses deux fidèles compagnons de nuit, Cohen et Sweethey, découvrent le sac sur une pelouse, dans la rue même. Il a été jeté par l'assassin, et ne contient pas ou plus d'argent. (à suivre...)