Evocation n Le forum de la radio culturelle a abrité, hier, une rencontre commémorative autour de l'illustre penseur et sociologue Mostefa Lacheraf, intellectuel et homme de culture qui nous a quittés samedi dernier. Mohamed Saïdi, universitaire, a évoqué Mostafa Lacheraf comme étant un «géant de la culture algérienne». «C'est un homme qui a marqué son siècle et est entré dans l'universalité», a-t-il dit, déplorant cependant que «le penseur soit très connu à l'étranger, mais pas assez dans son propre pays». «C'est une référence», a-t-il relevé, soulignant que «sa pensée est étudiée dans les universités étrangères, à l'instar du Mexique et de l'Espagne.» Il a poursuivi : «Mostefa Lacheraf a écrit sur l'Algérie. Il portait un intérêt particulier à la société algérienne, d'où ses travaux et sa pensée.» Mohamed Saïdi a, par ailleurs, précisé que Mostefa Lacheraf, outre son parcours intellectuel, était un homme de la Révolution. «Mostefa Lacheraf ne considérait pas la cause algérienne (la Révolution) comme un simple fait relevant de l'action armée, mais elle était, pour lui, un projet ayant pour but non seulement de libérer l'Algérie du joug colonial, mais aussi d'inscrire le pays dans la modernité et de l'ouvrir à l'universalité. C'était un projet d'émancipation et d'orientation sur les voies du progrès.» Et de conclure : «Nous avons perdu notre chance avec Mostefa Lacheraf pour ne pas s'être référé à sa pensée au niveau de l'éducation nationale. Il a su poser la question du système éducatif. Pour lui, le système éducatif est un projet d'émancipation et de modernité.» Pour sa part, Mohamed Madhi, universitaire, a tenu, d'abord, à dire que «Mostefa Lacheraf était un intellectuel. Il agissait au lieu de réagir». C'est-à-dire il réfléchissait sur un fait au lieu de s'emporter. Et d'évoquer, ensuite, l'appartenance de Mostefa Lacheraf à une double culture, arabe et française. «Mostefa Lacheraf savait parler deux langues, le français et l'arabe», a-t-il dit, ajoutant que «ses détracteurs l'avaient qualifié de francisant, d'autres lui avaient interdit de donner des cours aux universités algériennes sous prétexte qu'il n'était pas diplômé», a-t-il dit. L'orateur a, par ailleurs, précisé que Mostefa Lacheraf refusait la rupture linguistique car, pour lui, cela conduit immanquablement à une régression intellectuelle. Cela revient à dire que Mostefa Lacheraf prônait un bilinguisme (français et arabe) constructif, ayant pour objectif de former des sujets à l'esprit critique, analytique et comparatif. Les intervenants ont tous deux tenu à dire que la déliquescence intellectuelle en Algérie, la faillite du système éducatif, l'absence d'une réflexion critique et constructive, tout ce désastre s'explique par le fait que les politiques ont fait fi de la pensée lacherafienne.