Résumé de la 4e partie n A l'intérieur de l'hôtel le désordre règne en maître. Un cadavre est découvert dans une mare de sang séché. Possible, mais on ne bouge pas avant l'arrivée de la deuxième patrouille... Adam, vous prévenez le légiste et l'équipe de la criminelle. Homère, vous interdisez l'entrée à tout le monde, tant qu'on n'a pas réussi à ouvrir ces saletés de volets... et on procède en douceur, on met des gants, on ne déplace rien... Homère grommelle. — C'est bien ça le problème, justement, on peut rien déplacer... Le hall d'entrée est piégé sur dix mètres. Il est quatorze heures. L'un après l'autre les volets bringuebalants ont claqué sur la façade dans un nuage de poussière, et le soleil de juillet envahit un décor hallucinant, qui n'a pas vu la lumière du jour depuis des années. Il y a là, entassés, des mannequins cassés, des vieilles bicyclettes, des pièces d'automobiles, des cartons, des outils, des ampoules grillées en stock, des montres, des pendules déglinguées, des monceaux de chaussures dépareillées, de vaisselle, de chiffons, de vêtements pourris, des milliers de livres et de journaux, sous lesquels ont disparu des fauteuils délabrés et défoncés. Et au milieu de ce salon poubelle, cinq pianos en enfilade, surmontés de piles de journaux colossales. Les deux autres étages sont dans le même état, ordures, déchets, fruits d'une récupération de plusieurs années dans les poubelles, des lits défoncés, des pneus, du matériel de cuisine, des tuyaux, des portes de réfrigérateurs, de voitures, de vieilles radios éventrées : une véritable décharge sur la Cinquième Avenue, la plus riche de New York. Mais aucune trace du frère du défunt. Pour sortir le cadavre, les policiers ont dû pratiquer un passage en déplaçant les vieux meubles, démonter trois pièges combler le vide du plancher, et la civière recouverte d'une couverture franchir enfin la porte blindée. Le cadavre passe sous le nez des badauds, que la police fait reculer. Et le concierge du 2080 répand la nouvelle qu'il y a eu meurtre au 2078, et que le fou à la charrette, le milliardaire des poubelles est en fuite. Le portier d'un immeuble voisin répond aux questions de l'officier Adam : — J'ai jamais vu sortir l'aveugle. Y a quatre ans que je travaille dans le quartier. Mais j'ai parlé avec son frère. Ils s'éclairaient au pétrole, et il faisait la cuisine sur un réchaud. Encore heureux qu'il y ait jamais eu le feu là-dedans… Ce type était obsédé par la peur de la misère. Il disait qu'ils se nourrissaient économique. — Qu'est-ce qu'ils faisaient de leurs journées ? — L'aveugle jouait du piano, le frère, Frédéric, faisait ses courses la nuit, et le reste du temps, il lui faisait la lecture, ou alors il rangeait ses collections... c'est comme ça qu'il disait : «ses collections». Un soir on a discuté, il revenait avec sa carriole bourrée de journaux, et je lui ai demandé pourquoi il collectionnait les journaux... Alors il m'a répondu comme ça : «Tous les milliardaires font des collections, de tableaux d'œuvres d'art, de bijoux, moi, j'ai décidé de collectionner sans que cela me coûte un dollar...» Alors je lui ai redemandé pourquoi les journaux, parce que c'était son truc les journaux... plus que le reste. Il m'a répondu que c'était pour son frère, qu'il les lirait quand il aurait retrouvé la vue, pour savoir ce qui s'était passé pendant toutes les années où il ne voyait rien... (à suivre...)