Résumé e la 6e partie n Un lapin, qui ordonne à un homme de tuer, c'est difficile à croire pour le commissaire. Pourtant l'assassinat a bien été perpétré puisque la tête de Carlotta a été découverte. Reste le mobile du crime… Tête du sténo, enregistrant cette déposition en forme de conférence zoologique... — Les lapins donc... ont une cervelle minuscule, une intelligence quasi inexistante mais, à cause de cela justement, ils sont en relation directe avec l'au-delà. Les hommes n'ont plus cette relation, ils ont coupé le cordon ombilical. Mais les lapins, non. De sorte que lorsqu'ils expriment une volonté, c'est Dieu qui s'exprime. Je regardais Michel, et il a commencé à baisser l'oreille gauche, à cligner de l'œil droit, ce qui signifiait qu'il voulait me parler... Je l'ai donc écouté. Je ne peux pas vous donner dans le détail la teneur de notre conversation, car il faudrait pour cela que je transcrive les battements d'oreilles et les clignements d'œil. C'est une traduction dont il faudra qu'un jour je fasse un lexique... peut-être, bien que je ne croie pas qu'il existe à notre époque des humains capables d'assimiler ce langage... bref... après une longue conversation, j'ai compris que je devais tuer Carlotta. Comme elle devait venir me voir, je l'ai attendue en compagnie de ma femme. Lorsqu'elle est arrivée, je l'ai conduite dans la chambre des lapins. Et là je lui ai fendu le crâne avec une hache. Tous les lapins ont assisté à la chose. Seulement, Michel m'avait recommandé le secret, entre lui et moi. J'ai donc fait semblant de raccompagner Carlotta à la porte, et sur le pas de la porte j'ai crié très fort : «Au revoir, Carlotta», pour que ma femme entende. Le lendemain, j'ai mis la tête dans une petite valise, j'ai pris le train pour Rome, et je suis allé la jeter dans le Tibre... Fin de la description des circonstances du crime. Reste le mobile. Comment aborder le mobile ? Le commissaire choisit de rester dans le domaine des lapins. — Dites-moi, pourquoi le roi des lapins vous a-t-il demandé de tuer Carlotta ? Et pourquoi jeter sa tête dans le Tibre ? C'est Michel qui vous l'a demandé ? Où a-t-il dit de mettre le corps ? — Je ne peux pas le révéler, sauf si vous me promettez de ne pas faire d'ennuis à Michel. — Je vous fais cette promesse, et nous la consignons dans le procès-verbal... C'est d'accord ? Pietro Pizzani est d'accord. Il va dire la vérité, puisque Michel, le roi des lapins, est à l'abri. Du moins peut-il toujours le croire, car pour vérifier ses dires la Police judiciaire de Lyon est bien obligée de démolir, à coups de masse, les supports de ciment de la cage royale de sa majesté Michel le Lapin. Dans la chaleur de juillet, six bornes de ciment, contenant chacune un morceau de Carlotta. Une jambe, un bras, une partie de tronc. Sous le regard des lapins, sous le regard de Michel le roi, dont on a démoli le trône. Ce trône qu'il avait exigé de Pietro Pizzani le maçon, un trône qui fût digne de lui, c'est-à-dire un trône de chair humaine et de préférence de chair féminine... Ainsi en avait décidé le roi des lapins et ordonné également, en sa sagesse, à son vassal Pizzani, de ramener à Rome, où elle était née, la tête de la sacrifiée. — Et à chaque coup de masse, à chaque crime de lèse-majesté, le vieux roi Michel cligne de l'œil droit et baisse l'oreille gauche... — Dieu merci, c'est intraduisible pour le commun des mortels.