"Message" En évitant Nairobi, le président américain a-t-il voulu encore une fois exercer une pression ou une menace à l?égard des Kenyans ? C?est en tout cas ainsi que ces derniers ont interprété le détour fait par Bush. Ce qui est sûr, c?est que les Américains ont multiplié ces derniers mois les alertes aux attaques terroristes «imminentes» au Kenya, tout en fermant temporairement leur ambassade à plusieurs reprises. Ils ont dissuadé leurs ressortissants de s'y rendre et leur ambassadeur a récemment critiqué le gouvernement, l'accusant de ne pas traquer assez assidûment les terroristes présumés. Ce faisant, le département d'Etat américain a largement contribué à plonger le secteur touristique, l'une des principales ressources du pays, dans un profond marasme. Aussi, les responsables politiques kenyans, la presse mais aussi la rue ne tarissent pas ces derniers jours de commentaires acerbes sur «les donneurs de leçons américains» qui attirent le terrorisme dans leur pays mais se montrent incapables eux-mêmes de capturer Oussama ben Laden ou Saddam Hussein. Les gens se sentent de plus en plus humiliés et irrités de devoir être fouillés au corps à leur entrée dans des immeubles abritant des Occidentaux ou des supermarchés parfois alors que les Blancs ne subissent pas le même traitement. «On nous traite comme des terroristes dans notre propre pays à cause des Américains», s'insurge un homme âgé contre un vigile qui lui impose une fouille à l'entrée d'un immeuble d'affaires du centre-ville. Plutôt que le Kenya, une étape qui ne faisait pas l'ombre d'un doute avant la guerre en Irak, M. Bush a choisi le Sénégal, un allié bien plus récent, ou l'Ouganda, le seul pays d'Afrique de l'Est qui a ouvertement soutenu Washington dans sa campagne irakienne. Les Kenyans ont pourtant payé un lourd tribut au terrorisme visant les Américains ou les Israéliens : le 7 août 1998, des terroristes précipitent une voiture piégée contre l'ambassade américaine à Nairobi, tuant 12 Américains mais aussi 213 Kenyans, et laissant près de 6 000 blessés. Le 28 novembre 2002, douze Kenyans et trois Israéliens périssent dans un attentat à la voiture piégée contre un hôtel israélien à Mombasa, sur la côte kenyane. «Les Kenyans sont furieux que Bush évite le Kenya, car nous avons souffert d'attaques visant les Etats-Unis à cause de nos liens forts avec ce pays», s'emporte le professeur Mohamed Hyder, président du Fonds musulman d'éducation civique à Nairobi.