Jeu n Quatre contes de Guy de Maupassant ont été joués, hier, par Daniel Soulier, au Centre culturel français d'Alger. La scène apparaît d'emblée vide, nue, immense et solitaire ; et dans cet espace dénué de décor – sinon un tabouret en guise de cadre, d'accessoire – une solitude qui happe le regard, l'entraîne, çà et là, et le projette dans cet ailleurs scénique où allaient se dire et se jouer des situations de la vie dans leur beauté comme dans leur laideur, et aussi bien dans leur joie que dans leur tristesse. Des situations diverses mettant en scène des personnages composites, truculents, étonnants, voire insolites. Daniel Soulier entre sur scène et entame aussitôt son récit. Il ne s'en tient pas qu'à narrer les histoires, mais joue aussi chaque conte, en tenant compte du dialogue (intonation et autre tonalité langagière) comme du versant narratif. Il interprète admirablement les personnages et il décrit avec une rigueur exaltée et avec un souci du détail spectaculaire et avec une forte émotion l'environnement dans laquelle évolue l'action. Il commence son jeu en racontant Une partie de Campagne. C'est l'histoire de la famille Dufour qui s'en va, le dimanche, passer la journée à la campagne. La mère et la fille font, chacune de son côté, la connaissance de deux jeunes hommes avec qui elles passent, chacune dans un endroit caché des regards indiscrets, d'intimes moments. Quant au père, il est laissé seul, comme une cloche, le temps de se dégriser. Ensuite, le narrateur nous relate En mer, l'histoire d'un marin, un pêcheur, qui a perdu son bras. Vient après l'histoire de Miss Harriet, ce personnage dramatique qui se donne la mort parce qu'il était privé d'amour et notamment d'estime de la part de celui dont elle attendait une réciprocité. Et enfin, pour finir, Daniel Soulier nous raconte un dernier conte, Le Retour, celui d'un pêcheur qui a disparu dans les hautes mers et qui, un jour, bien des années plus tard, rentre chez lui, mais pour retrouver sa femme, laissée jeune, remariée et avec d'autres enfants. Autant de situations que de personnages habitant et marquant les différents récits qui ont été mis en scène par Camilla Barnes. Daniel Soulier, avec habilité langagière et esprit, a su, en jouant sur le caractère de ses protagonistes, sur leur profil psychologique et sur leurs attributs langagiers, les interpréter et leur donner de l'épaisseur, du dynamisme, voire de la vie. C'était une interprétation juste et fougueuse, méticuleuse et descriptive. C'était un jeu plein de descriptions vivantes qui nous faisaient voir des images animées et colorées. C'était un jeu visuel, en somme. Il jouait si bien ses personnages que ces derniers se matérialisaient sur scène. Il décrivait si bien les situations qu'il en laissait des traces, des odeurs, et des couleurs. C'était un jeu complet, idyllique, exquis et magistralement scénique.