Jadis, au large, se dressait une île rocheuse et déserte. On ne sait par quel miracle de magnifiques coupoles dorées et des tours blanches se sont dressées vers le ciel. Mais ce n?est pas tout ! Aux portes du palais, il y a maintenant une maison en pur cristal, où un écureuil casse des noisettes dorées et en sort des émeraudes grosses comme le poing. Il y en a tant et tant que, posées les unes sur les autres, elles forment une véritable colline qui brille au loin comme seul le soleil peut le faire. Des ministres du Trésor et de nombreux écrivains publics essaient d?en faire le compte sans jamais y arriver. D?ailleurs, cela a peu d?importance, car chacun peut se servir comme il l?entend. Dans ce pays, chacun des sujets en possède autant que son seigneur. On n?y connaît ni l?envie ni la jalousie, on ne sait pas ce qu?est la guerre. Le peuple entier chérit son seigneur, le jeune et beau Mikad, qui nous a demandé de te transmettre ses pensées les meilleures. ? J?aimerais beaucoup voir cet endroit et rencontrer ce jeune seigneur, dit le roi en hochant la tête. Les deux méchantes s?urs et la grand-mère eurent un mauvais pressentiment. Elles chuchotèrent entre elles, bien décidées à trouver un moyen pour empêcher le roi d?entreprendre ce voyage. Même si vous n?avez pas menti et que vous avez vu ce miracle de vos propres yeux, dit la s?ur fileuse en éclatant de rire au nez des marins, ce que je vais vous raconter est bien plus merveilleux que votre banale histoire. Dans un pays lointain, la mer s?ouvre parfois, l?eau tourbillonne, et des profondeurs sortent trente-trois jeunes chevaliers. Leurs armures en écaille brillent comme le ciel du petit matin. Noirfléau lui-même guide ces courageux guerriers. Que pensez-vous de ce prodige ? La petite mouche se mit alors à bourdonner et piqua cruellement la paupière de la fileuse. Son ?il se mit immédiatement à gonfler comme un ballon. La vieille Oum El-Kheir retira sa chaussure et leva la main pour frapper la mouche, mais celle-ci volait déjà par-dessus la mer. Le jeune Mikad rentra chez lui sain et sauf, mais il était plus triste que jamais. Sa mère essaya en vain de le consoler. Un jour qu?il était assis sur un rocher à regarder l?horizon, une larme coula de son ?il dans la mer. Avant qu?il ait le temps de s?essuyer les yeux, le cygne blanc était là. ? Pourquoi souffres-tu, bon prince ? lui demanda-t-il. Mikad lui parla de ce pays lointain, où la mer s?ouvre parfois pour laisser passer trente-trois chevaliers aux armures brillantes, conduits par Noirfléau en personne, le guide des tourbillons marins. ? Ne te tourmente pas, cher enfant, puisque ces chevaliers courageux sont mes propres frères. Celui qui est à leur tête, c?est mon père bien-aimé, dit le cygne avec douceur. Tu les verras très bientôt. Rentre tranquillement chez toi. Le visage de Mikad s?illumina de bonheur. Il retourna au palais, ordonna à ses cuisiniers de préparer un banquet et se précipita au sommet de la plus haute tour. A cet instant, la surface de la mer se couvrit de sombres et sauvages vagues qui vinrent se fracasser sur les rochers. De l?écume qui jaillissait vers le ciel sortirent trente-trois chevaliers aux armures étincelantes. A leur tête se tenait un vieil homme, aux longs cheveux blancs, qui lui sourit et le salua de la main. Mikad dévala les escaliers pour aller accueillir ses hôtes. Il s?inclina respectueusement devant eux. ? Je suis venu parce que ma fille me l?a demandé, dit le vieil homme en posant aimablement la main sur l?épaule de Mikad. Et nous reviendrons tous les jours à l?aube. Nous sortirons du fond de la mer pour te protéger, toi et ton pays. (à suivre...)