Ainsi, tous les jours, les chevaliers revinrent. Le jeune et beau Mikad rayonnait de bonheur. ? Un voilier blanc à l?horizon ! cria un jour le gardien de la tour, à l?instant même où l?armée éblouissante disparaissait au plus profond des flots. A bord, les marins n?en croyaient pas leurs yeux. Trente-trois chevaliers aux armures étincelantes qui venaient de s?engouffrer dans la mer ! C?était un miracle ! Ils n?eurent pas le temps de se remettre de leur surprise qu?un tir de canon leur ordonnait de venir mouiller dans le port. ? Vers quels horizons vous a menés le vent ? Qu?avez-vous vu ? leur demanda Mikad au cours du banquet. ? Nous avons fait le tour du monde, répondirent les marins. Nous revenons avec des pierres précieuses, de l?or, de l?argent et du cuivre. Nous avons hâte de rentrer chez nous, à l?est de l?île Bayan, au pays du grand roi Dhia. ? Je ne vous retarderai pas, dit le seigneur Mikad avec tristesse. Il les raccompagna jusqu?à leur navire et resta longtemps à les regarder s?éloigner. Une larme glissa sur son beau visage et tomba dans l?eau bleue. Le cygne blanc apparut aussitôt. ? Pourquoi es-tu si triste ? lui demanda-t-il. ? J?ai le mal du pays, répondit encore une fois le jeune homme, et mon père me manque. Ce voilier a emporté une partie de mon c?ur. Le cygne battit la surface de la mer de ses ailes blanches et quelques gouttes mouillèrent le jeune homme. Mikad disparut. Un petit bourdon brun et or vola vers le navire où il se cacha dans une fente de la coque. Quelques jours plus tard, le voilier accostait à bon port. Dhia était assis sur un trône dans un habit magnifique, mais son regard fatigué trahissait une profonde amertume. Près de lui se tenaient les méchantes s?urs et la vieille Oum El-Kheir. ? Dites-moi, marins, où avez-vous navigué ? demanda le roi. Avez-vous vu des merveilles dont je n?ai encore jamais entendu parler ? ? Il y a un endroit au milieu des mers où se dressaient jadis des rochers hostiles, conta l?un des marins, mais un jour, ô miracle, dans cette île déserte s?éleva une ville magnifique aux gracieuses tours blanches, aux coupoles dorées. Dans une maison de cristal, non loin des portes du palais, un écureuil casse des noisettes dorées dont il sort des émeraudes grosses comme le poing. Il y en a tant et tant qu?une colline étincelante s?élève vers le ciel. Tout cela, vous le savez déjà. Mais ce n?est pas tout. Maintenant, aux premières lueurs du soleil, la mer se couvre de vagues déferlantes, l?eau se fracasse contre les rochers et dans l?écume blanche apparaît une armée de trente-trois chevaliers aux armures brillant de mille et un feux. A leur tête, se tient un vieil homme aux cheveux blancs comme la neige. Mikad, le seigneur de l?île, les accueille chaque jour. Ce pays, où tous les sujets sont riches et qui ne connaît pas la guerre, est sous la protection des forces mystérieuses de la mer. Le jeune et beau seigneur qui le gouverne t?adresse ses meilleures salutations et souhaite de tout c?ur que ton peuple te chérisse. Le roi Dhia resta un long moment silencieux. ? Je voudrais tant voir ce pays avant de mourir, dit-il enfin. Faire la connaissance du seigneur Mikad et oublier mon chagrin. (à suivre...)