Mais le tonneau ne sombra pas, il flotta, emportant au loin la reine et son petit garçon. La jeune femme serrait fort son enfant et les larmes qui coulaient de ses yeux inondaient le visage du petit prince. Comme elles étaient chaudes et pleines d?amour, elles firent grandir l?enfant. Il devint très vite un jeune homme beau et intelligent. «Belles vagues qui parcourez l?étendue de la mer, supplia-t-il, ayez pitié de la reine et du jeune prince. Emmenez-nous vers la rive, épargnez nos pauvres vies !» La mer alors se souleva et une grosse vague rejeta le tonneau vers une plage déserte. Il roula sur le sable mouillé. Une dernière larme de la reine coula sur le visage du prince et il y trouva les forces nécessaires pour soulever le couvercle du tonneau et le faire éclater en mille morceaux. Ils avaient voyagé au gré des flots, des jours et des jours et ils étaient affamés. Le prince coupa les deux branches du seul arbre qui poussait dans cette île déserte. De l?une il fit un arc, de l?autre une flèche. Il enleva de son cou le cordon auquel était pendu un pendentif et l?utilisa pour tendre son arc. Puis, avec son arme de fortune, il partit à la chasse. Il marcha, escalada les rochers, longea la grève sans rencontrer âme qui vive. Soudain, il entendit des cris perçants venant de la mer. C?étaient ceux d?un beau cygne blanc. Un énorme rapace, serres ouvertes, tournait et s?apprêtait à fondre sur lui. Le prince eut pitié du cygne, il tira son arc et transperça le corps du rapace de sa flèche. L?oiseau, touché en plein c?ur, s?abattit dans l?eau comme une pierre. Réunissant ses dernières forces, il ne réussit qu?à griffer le cou élancé du cygne avant de disparaître dans les profondeurs de la mer. Puis, ce fut le silence. Le prince soupira : il venait de perdre son unique flèche. «Ne regrette rien, lui dit alors le cygne. Je te remercie de m?avoir sauvé la vie. Tu viens de tuer un méchant sorcier. Moi non plus, je ne suis pas ce que tu crois. Je saurai te récompenser. Je te viendrai toujours en aide. Bientôt, tous tes soucis prendront fin.» Le cygne battit lourdement des ailes et s?envola vers l?horizon rougi par le soleil couchant. Le jeune homme prit le chemin du retour, triste de n?avoir rien trouvé à donner à manger à sa mère. Mais celle-ci ne lui fit aucun reproche et l?accueillit avec un sourire. La nuit tombait et tous deux s?allongèrent sur le sable pour dormir. Le prince fut réveillé par les premiers rayons du soleil. Il n?en crut pas ses yeux : devant lui s?élevaient de puissants remparts, deux tours blanches comme l?écume de la mer, un palais aux coupoles dorées et des maisons aux toits argentés. Tout excité, il réveilla sa mère. «Mère, ma chère mère, dit-il en la prenant par la main, le cygne blanc a tenu parole. Tous nos soucis vont prendre fin. Entrons dans cette ville magnifique, les gens ne nous laisseront sûrement pas mourir de faim.» Dès que la reine et son fils franchirent les portes de la ville, les cloches se mirent à sonner à tout rompre. Une foule enthousiaste accourut de toute part et les habitants à genoux remercièrent le ciel. Les sabots des chevaux claquèrent sur les pavés. Des carrosses descendirent des comtes et des chevaliers qui s?inclinèrent respectueusement devant le jeune homme et sa mère. Entouré de sages, le plus âgé en personne déposa une couronne finement ciselée de pierres précieuses sur la tête du prince et, en le bénissant, l?amena jusqu?à un trône d?or et le fit asseoir. Et c?est ainsi, comme dans un rêve, que le jeune homme devint le maître de la ville aux tours dorées et prit le nom de mikad. Le temps passa et, un jour, apparurent à l?horizon les voiles blanches d?un navire. A son bord, les marins étonnés regardent fixement devant eux, sans en croire leurs yeux. «Ne nous sommes-nous pas trompés de chemin ? demanda l?un d?entre eux. Cette île a toujours été déserte ! Regardez cette ville, ce palais aux tours blanches et aux coupoles dorées !» Un tir de canon ordonna au navire de jeter l?ancre dans le port et son capitaine n?osa pas refuser. Dès que les marins mirent pied à terre, des messagers s?approchèrent d?eux, leur annonçant que le puissant seigneur Mikad désirait les recevoir. (à suivre...)