Il y a longtemps, dans une pauvre chaumière, vivaient trois s?urs, toutes plus belles les unes que les autres. Elles étaient courageuses et travaillaient du matin au soir. Leur maison était propre et accueillante, ce qui ravissait leur grand-mère Oum El-Kheir qui aimait rester assise près du poêle à ne rien faire. Un soir, comme à leur habitude, les trois s?urs filaient le lin à leur rouet quand l?aînée, s?abandonnant à la rêverie, murmura : «Quel bel homme que le roi Dhia ! On dit qu?il cherche une épouse gracieuse et travailleuse. S?il pouvait me choisir, je cuisinerais moi-même notre banquet de mariage et j?y inviterais le peuple tout entier. ? Moi, dit la cadette en riant, je fabriquerais une toile très fine et j?offrirais du drap au peuple tout entier. ? Moi, soupira la benjamine, je donnerais tout simplement à mon époux un beau fils, plein de santé.» Or, comme le hasard fait bien les choses, le puissant roi Dhia, qui passait par là, entendit les propos des trois s?urs par la fenêtre restée ouverte et en fut fort ému. Sans hésiter, il entra dans la chaumière. ? C?est toi que je veux pour épouse, dit-il en tendant les bras vers la benjamine. Quand à vous, chères et douces s?urs, vos v?ux seront exaucés. Tu pourras filer le lin tous les jours, dit-il à l?une, et toi préparer tous mes banquets, dit-il à l?autre. Ce qui fut dit fut fait. Le roi emmena les trois s?urs au palais, l?une tissa des toiles d?une grande finesse, l?autre prépara des mets délicieux et la troisième, devenue reine, attendit un enfant. Mais, par malheur, le pays fut attaqué par l?ennemi. La mort dans l?âme, le roi Dhia dut quitter sa femme et partir défendre son pays. Le temps passa et, un jour, la reine donna naissance à un très beau garçon en pleine santé. Sans plus attendre, elle écrivit à son époux pour lui apprendre la bonne nouvelle. Mais la naissance de cet enfant ne réjouissait pas tout le monde. Les deux aînées, devenues jalouses du bonheur de leur cadette, voulurent lui nuire. ? Comment faire ? demandèrent-elles à la vieille Oum El-Kheir, jalouse elle aussi. ? C?est facile, répondit celle-ci. Nous allons faire boire le messager et, quand il sera ivre, nous échangerons la lettre de la reine contre une autre. Elles firent ce qu?elles avaient convenu. Quand, sur le champ de bataille, le roi Dhia lut le message, il faillit devenir fou de douleur. Il y était écrit : «Grand roi, hier, ta mauvaise épouse t?a donné un successeur. Mais ce n?est ni un fils ni une fille, c?est un monstre mi-grenouille mi-souris. Nous ferons ce que tu nous ordonneras.» La douleur du roi fit bientôt place à la colère, mais son amour pour la belle reine lui fit reprendre ses esprits. «N?agissez pas à la hâte, écrivit-il à ses conseillers, je déciderai moi-même que faire de l?enfant quand je reviendrai de la guerre.» Le messager chevauche sur son cheval rapide en cachant sur son c?ur le précieux message du roi. Mais, ô malheur, la vieille et méchante Oum El-Kheir l?attendait aux portes de la ville. Elle l'attira dans une taverne et le fit boire. Elle le fit boire tant et tant que, devenu inconscient, il ne se rendit pas compte qu?elle ouvrait sa chemise pour prendre la lettre du roi et la remplacer par une autre. C?était un message cruel que lurent les conseillers du roi. «Moi, Dhia, je vous fais part de ma volonté : Jetez dans les vagues de l?océan l?enfant et sa mère. Ceci est un ordre, exécutez-le !» Les conseillers furent horrifiés. Mais que pouvaient-ils faire ? La volonté du roi était sacrée. A pas lents, la mort dans l?âme, ils se dirigèrent vers les appartements de la reine. Ils ne se laissèrent dissuader ni par les larmes de la jeune femme ni par le merveilleux sourire du petit garçon. Ils firent construire un grand tonneau, y enfermèrent la mère et l?enfant et le firent jeter dans les vagues de l?océan. (à suivre...)