Le fort taux d'abstention enregistré interpelle aussi bien l'Etat que la classe politique. Il y a une crise de confiance entre le citoyen et les institutions, mais aussi entre le citoyen et les partis politiques. Le constat y est. Jamais de mémoire d'Algérien, une élection n'a connu un si fort taux d'abstention, sur lequel ni l'administration ni les partis politiques ne trouvaient rien à redire. Au-delà du sacre sans gloire des uns et la déchéance attendue des autres, ces élections, sitôt terminées, ouvraient tout de suite, un vrai débat de fond. Chacun interprète le boycott à sa manière, en essayant de s'approprier une part de vérité. M. Zerhouni évoquera «la maturité du peuple qui a confiance en l'Etat et qui ne tend plus l'oreille aux partis» se plaisant à faire le parallèle avec l'Italie et les Etats-Unis pour justifier «le bon déroulement du scrutin». Dans le même timing, les chefs de partis politiques, les heureux et les malheureux, regrettaient la faiblesse du taux, avec plein de justifications à la clé. Pour Belkhadem, la faute incombe aux «candidats qui n'ont pas prévu de permanences». Pour Soltani, la faute est à «ce sentiment d'hésitation à se rendre aux urnes» alors que pour Sadi, l'abstention est considérée comme «un moment de rupture». Mais loin des salons feutrés, ce scrutin aura eu aussi le mérite de juxtaposer deux faits et pas des moindres : une participation faible et des plaidoiries politiques à profusion mais sans réel impact si l'on se fie au verdict de jeudi. Si chacun, de son côté, a une part de vérité dans ce qu'il avance comme arguments, la portée politique des bulletins nuls - en plus des millions d'abstention - exprime, on ne peut mieux, la désaffection de l'Algérien vis-à-vis de la chose politique. Pourquoi ? Ce n'est pas être devin que de dire que l'abstention est synonyme de «non» avec toute la symbolique d'un refus annoncé. Le refus de voir des candidats à la députation, issus de partis dinosaures ou microscopiques, disparaître, une fois élus, avec leurs promesses, dans leur costume taille patron, en emportant avec eux le rêve brisé d'un logement, d'un poste de travail et d'une vie décente…. Que vaudra donc une APN dont les locataires ont été, pour le moins, mal élus. Incontestablement, la gifle magistrale a tout pour faire sortir la classe politique de sa torpeur.