Soucieuse n La vieille dame était accroupie, les mains sur les joues, l'air inquiet encore une fois, et ce, depuis plusieurs jours. Le motif de son inquiétude est encore son fils cadet Allaoua. Ce dernier, n'ayant pas réussi dans ses études, ne voulait faire aucun effort pour mettre fin à son oisiveté. Son père, commerçant, avait essayé à maintes reprises de le sortir de son marasme, mais sans aucun résultat. Un jour, l'idée lui vint de lui confier le transport de ses marchandises. Allaoua avait l'air de s'accrocher à la grande satisfaction de ses parents, il était vivace et faisait fructifier le commerce de son père, l'argent commençait à couler à flots. Pour le récompenser, son père lui acheta une petite voiture et laissa l'autre à un aide qu'il venait de recruter. Le recrutement de ce jeune apprenti était inespéré, car le jeune homme venait de découvrir une nouvelle passion : suivre les femmes dans les rues et attendre les jeunes filles devant les lycées. Dès lors qu'il en repérait une, il faisait tout pour se retrouver sur sa route quel que soit le chemin qu'elle empruntait. Un petit coup de klaxon, un sourire mielleux et une «invite» faite discrètement d'un signe de la tête. Mais à partir du moment où l'une de ses «victimes» acceptait — facilement — de monter dans sa voiture, elle ne l'intéressait plus. Il lui promettait tout simplement de la revoir avec un air froid. Un jour, sur les hauteurs d'Alger, près de l'Institut des sciences juridiques, il fit le même manège devant une étudiante, cette dernière le regarda d'un air hautain et continua à marcher droit devant elle. Il insista pendant une heure. Elle s'engouffra dans un bus universitaire bondé. Il revint à la charge le lendemain : même scénario. Cela durait plusieurs jours, la jeune fille ne changea pas de comportement. Au bout d'un mois, elle se décida enfin à venir lui parler et lui dit que ce n'était pas la peine d'insister, rien ne lui ferait changer d'avis puisque seules ses études l'intéressaient. Sur ce, elle continua son chemin comme si rien ne l'avait perturbée. Il revint le lendemain, le surlendemain, pendant plusieurs jours de suite, plusieurs semaines... Comme à l'accoutumée, il rentra chez lui un soir et, surprise, la jeune fille était là, dans le salon, avec son père, sa mère et le reste de sa famille. Son père, à lui, l'accueillit froidement, lui dit que c'était juste une confrontation, que ce qu'il venait d'entendre lui paraissait incroyable. La jeune fille l'accusait de harcèlement depuis plus de trois mois. Cette dernière avait informé son père qui, l'avant-veille, a suivi Allaoua jusque chez lui et pris des renseignements sur sa famille. C'est grâce aux renseignements recueillis que le père de la jeune fille décida de ne pas porter plainte, car le père de Allaoua jouissait d'une excellente réputation. Il suffisait tout juste d'avoir une conversation avec lui. Ce dernier ne pouvait rien nier sachant que plusieurs personnes pourraient témoigner contre lui. Son silence était un aveu flagrant. Son père demanda alors à ses «invités» de le laisser régler lui-même le différend. Non sans remercier le père de la jeune fille de lui avoir évité les va-et-vient au commissariat. Ce dernier lui répondit que vu sa réputation il ne pouvait en être autrement. Avant de sortir de la maison, le père de l'étudiante regarda droit dans les yeux le jeune Allaoua et lui conseilla de faire très attention la prochaine fois car il pourrait bien tomber un jour sur le marchand de fèves. «Le marchand de fèves, le marchand de fèves ?», répéta-t-il intérieurement. (à suivre...)