Bain de sang n Quatre ans après l'invasion américaine, l'Irak est à feu et à sang. L'on parle déjà d'un million de morts. En décidant d'envahir l'Irak sans l'aval des Nations unies, George Bush n'a assurément pas mesuré les conséquences de son initiative. En mars 2003, lorsque les porte-avions de l'oncle Sam ont pris la direction du Golf pour «déloger le tyran Saddam Hussein, pour neutraliser ses armes de destruction massive et apporter la liberté au peuple irakien», des voix se sont pourtant élevées un peu partout mettant en garde contre les répercussions à court et à long terme de cette invasion. L'odeur du pétrole était plus forte, cependant. La tentation d'assurer les arrière-gardes d'Israël aussi. Quitte à produire de fausses preuves et des rapports erronés sur la prétendue menace nucléaire du pays de Saddam. Après un semblant de résistance, l'armée irakienne cède, Saddam et ses proches prennent la fuite et Bagdad est pris avec une facilité déconcertante. Les faucons de la Maison-Blanche se frottent déjà les mains en foulant cette terre qui recèle les plus importantes réserves mondiales de pétrole. La jubilation sera de courte durée. Ils ne tarderont pas à déchanter. D'autant que des erreurs dans leur gestion de la situation, ils en ont commis par dizaines. La dissolution de la puissante armée irakienne n'est pas des moindres. Ses cadres et ses munitions iront renforcer les capacités de la résistance. Les premiers GI's tombent et les premières bombes se font entendre au centre de Bagdad et d'autres villes. Le conflit ne tarde pas à prendre les allures d'une guerre confessionnelle entre sunnites et chiites. L'adoption d'une nouvelle constitution et l'organisation d'élections générales n'ont fait qu'exacerber la situation. La capture de Saddam Hussein, en décembre 2003, a donné aux Américains l'illusion de tenir le bout de la ficelle. Une autre désillusion. La résistance redouble de férocité, notamment après l'exécution de Saddam le jour de l'Aïd El-Adha qui a été perçue dans tout le monde musulman comme un affront de trop. Quatre ans après l'intervention américaine et britannique, l'Irak est à feu et à sang. Les voitures piégées font des ravages. L'on parle déjà d'un million de morts. Inutile de préciser que le gros des victimes se compte parmi les civils. Les embuscades meurtrières sont quasi quotidiennes contre l'armée américaine qui a dû rapatrier les dépouilles de quelque 3 500 soldats. Parler d'un «nouveau Vietnam» n'est point exagéré. Cela au moment où aucune solution ne se profile à l'horizon et les espoirs de voir l'armée d'occupation se retirer s'amenuisent de jour en jour, à mesure que le pays s'enlise dans le chaos. S'exprimant cette semaine sur la crise irakienne, un haut responsable de la Maison-Blanche affirme que l'occupation de l'Irak pourrait durer encore une dizaine d'années. Particularisme kurde dans le Nord, guerre confessionnelle entre chiites et sunnites, agitation active des réseaux fidèles au président exécuté, qui disposent encore d'une capacité de nuisance non négligeable, la situation en Irak s'apparente à un écheveau inextricable. La «démocratisation» a tourné au fiasco…