Ce qui était redouté par tous, à savoir un éclatement de l'Irak, commence à prendre forme avec la pétition de 1,7 million de Kurdes demandant un référendum sur l'indépendance de leur région. Connus depuis longtemps pour leur désir indépendantiste, les Kurdes d'Irak ont fini par franchir le Rubicon. Apparemment, nullement satisfaits de l'autonomie dont ils jouissent, ils s'apprêtent à passer à l'étape supérieure. Ainsi, ils reviennent sur leurs engagements antérieurs dans lesquels ils se satisfaisaient de l'autonomie et veulent désormais un Etat indépendant dans les régions où ils sont majoritaires. Et ce qui devait arriver arriva avec la déposition, par une délégation dûment mandatée, auprès de l'Organisation des Nations unies, d'une pétition signée par 1,7 million de Kurdes, dans laquelle ils revendiquent la tenue d'un référendum sur l'indépendance de cette partie nord de l'Irak. Cette action met en danger l'intégrité territoriale de ce pays. Les Américains, qui avaient fait tant de promesses aux Kurdes par le passé, surtout pour obtenir leur soutien à l'occasion de l'invasion militaire de l'Irak du 20 mars 2003, se retrouvent piégés. En effet, l'Administration Bush, qui a promis de sauvegarder l'unité territoriale de l'Irak, est acculée. Il est difficile d'agir dans ce genre de situation, d'autant plus que la revendication du peuple kurde, qui a souffert le martyre sous Saddam Hussein, est légitime. La communauté internationale, bien qu'ayant tenté de protéger l'unité territoriale irakienne dans les différentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies relatives à la situation en Irak, est confrontée à une équation difficile à résoudre. C'est un coup dur également pour le gouvernement d'Iyad Allaoui à un mois des élections générales, qui vient aggraver la situation déjà critique avec cette violence au quotidien. Il faut dire que si l'on accède à la requête des Kurdes, il y a lieu de s'attendre à une autre partition du territoire irakien parce qu'entre sunnites et chiites, les choses ne vont pas dans le sens de l'apaisement. En effet, ayant perdu le pouvoir avec la déchéance de Saddam Hussein, les sunnites, minoritaires, se voient écartés progressivement des centres de décision. Cette situation ira certainement en s'aggravant après les prochaines élections, car les chiites, majoritaires, sont bien partis pour les remporter. C'est dire la gravité des conséquences qui découleront de la revendication kurde. Ceci étant, c'est toute la région qui subira les retombées de ces développements, notamment la Turquie. Cette dernière, concernée au plus haut point par la question, verra sans aucun doute d'un mauvais œil la création d'un Etat kurde à ses frontières orientales, d'autant plus qu'elle éprouve toutes les peines du monde à contenir la contestation de la partie de ce peuple se trouvant sur son territoire. Sachant pertinemment que la concrétisation de la revendication des Kurdes irakiens fera inévitablement tache d'huile, Ankara pèsera de tout son poids auprès des Etats-Unis et de Iyad Allaoui pour en empêcher l'aboutissement. Il appartient aux Etats-Unis, qui ont chamboulé l'ordre établi dans cette région en renversant le régime de Saddam Hussein, de trouver une solution à ce nouveau problème pour le moins inattendu à ce moment crucial pour l'avenir de l'Irak. Ainsi, les Kurdes, alliés de l'Administration Bush, lui tournent le dos aujourd'hui et compliquent sa mission de pacification d'un pays à feu et à sang. L'optimisme utopique de George Bush prend ainsi un nouveau coup et c'est l'avenir de l'Irak qui s'assombrit davantage avec cette perspective de morcellement de son territoire qui se dessine à l'horizon. K. A.