Péril n Le caractère transnational du blanchiment d'argent ainsi que sa corrélation avec le terrorisme sont formellement établis. Il y a réellement péril en la demeure. «Le blanchiment d'argent est indissociable des autres facettes du crime économique», affirme un intervenant au dernier séminaire international organisé au début du mois de juin par le ministère de la Justice sur la délinquance économique. Autrement dit, l'un ne saurait exister sans l'autre. Si des moyens de blanchir le fruit de leur «business» n'existaient pas, les barons de la drogue ou les gestionnaires indélicats ne seraient peut-être pas tentés. De même que les réseaux de «blanchisseurs» n'auraient rien à se mettre sous la dent sans le trafic de drogue, le détournement et la contrebande… La corrélation est formellement établie. De même que le caractère transnational du phénomène. Pour M. Boucherfa, secrétaire général du ministère de la Justice, il est indéniable que les proportions prises par le fléau sont dues essentiellement à «la mondialisation et l'ouverture économique». La mondialisation. Le mot est lâché laissant entendre que l'argent sale n'est pas nécessairement blanchi dans le pays où il a été acquis. Ainsi, le fruit d'un détournement effectué dans une entreprise algérienne peut se retrouver dans des circuits de blanchiment en France ou en Grande-Bretagne et vice-versa. Impossible de déterminer avec exactitude et même approximativement le montant des sommes blanchies annuellement. Tous les spécialistes, présents au séminaire qui a duré 4 jours, sont unanimes : l'argent sale ne transitant pas par les circuits officiels, il est dès lors difficile d'établir des statistiques fiables. «Si cet argent pouvait être quantifié, donc contrôlé, le fléau serait jugulé depuis longtemps», résume un magistrat français. Un avis que partage un membre de la cellule du traitement du renseignement financier (Ctrf) : «Plusieurs secteurs de notre économie ne sont pas organisés. Le marché du poisson, de la viande, des bestiaux ne sont pas totalement structurés, d'où la difficulté de contrôler les importantes transactions qui sont faites.» Les secteurs précités ne sont, hélas, pas les seuls à être des vecteurs du blanchiment d'argent. Mokhtar Lakhdari, directeur des affaires pénales au ministère de la Justice et principal et animateur du séminaire y va de son avis. «Le fléau du blanchiment touche l'ensemble des secteurs dont l'argent échappe à la masse monétaire, à commencer par les activités du commerce informel. Le trafic de stupéfiants détient également une part non négligeable.» La situation a pris des proportions autrement plus dangereuses pour la sécurité même du pays après la découverte de réseaux de financement du terrorisme par le biais d'argent blanchi. Cette donne, conjuguée à l'éclatement des scandales financiers à répétition, a fait prendre conscience de la nécessité de tout mettre en œuvre pour juguler le phénomène. Mais les autorités en ont-elles suffisamment fait ?