Résumé de la 8e partie n En Algérie, des versions de l'épopée de Djazia et de dhiyab al-Hilali ont été recueillies au XIXe siècle. En 1902, c'est A. Bel qui a recueilli une nouvelle version de l'épopée de Djazia et de Dhiyab al-Hilali. Le récit provient, cette fois-ci, des Beni chougrane, près de Mascara, dans l'ouest algérien. Il s'agit d'un long poème de 156 vers, publié à la fois en arabe et traduit en français. On y retrouve, comme dans la version de Largeau, Dhiyab qui est épris de Djazia qui le soumet à des épreuves dont il triomphe. La sécheresse survenant, la tribu doit céder, pour ne pas mourir de faim, Djazia à un prince étranger. Djazia finit par rentrer chez elle après avoir battu son époux à un jeu. Mais elle trouve la tribu disloquée parce que Dhiyab est parti. Pour le compenser de la perte de Djazia, on lui a donné du bétail, des jeunes hommes et des jeunes filles et il a fondé son propre groupe. Le poète qui rapporte cette histoire pleure sur le sort de la tribu, autrefois unie, désormais divisée. En 1966, H. Breteau a recueilli, dans le Nord constantinois, trois versions de l'épopée hilalienne. Le texte, enregistré en arabe, est également traduit en français. Ces versions ressemblent aux précédentes en de nombreux points. On y trouve djazia et Dhiyab qui s'aiment mais qui se querellent. Djazia a beaucoup de prétendants et si c'est Dhiyab qu'elle choisit, c'est parce qu'il est le plus intelligent : la preuve, c'est qu'il parvient à triompher des épreuves auxquelles le soumet Djazia. Cependant, la jeune femme est convoitée par un colporteur (‘ât'ar) juif qui l'enlève. Dhiyab le poursuit et le tue au cours du combat qu'il lui livre. Un autre rival, cette fois-ci un Zénète, lui dispute Djazia, il le provoque en duel et le tue. Le couple n'est pas des plus harmonieux, ils se disputent et, pour finir, se défient au jeu de la khrabga, une sorte de jeu de dames dont raffolent les nomades. Dans ces versions, le thème de la sécheresse et de la famine est évoqué mais comme épreuve pour punir Djazia qui a fait preuve de ruse. Le problème est résolu par un saint local (wali) qui fait tomber la pluie et pousser l'herbe et les grains. La dernière version algérienne de la geste est, à notre avis, celle qu'a publiée en 1998 N. Chellig. Recueillie dans les Hauts-Plateaux, elle donne en traduction littérale (mais malheureusement sans le texte arabe) l'histoire de la belle Djazia et de Dhiyab, confrontés non seulement aux Berbères zénètes (chaouias) mais aussi entre eux. Djazia est intelligente, mais Dhiyab l'est encore plus, en triomphant des énigmes qu'elle lui pose et que lui pose également son père. Dhiyab est, selon le texte de Chellig, Hilalien par son père et Zénète par sa mère. L'auteur, qui fait suivre son récit d'une étude fort intéressante de la geste et de ses conditions de production, développe une thèse originale. «Bien que cette histoire soit le récit de la geste des Hilaliens venus au Maghreb au XIe siècle, on est frappé par le constant parallélisme et la constante référence aux Berbères zénètes sédentaires. Pour cette légende, le maghrébin n'évoque peut-être pas les Hilaliens venus du Hidjaz mais prend prétexte de ceux-ci pour mettre en scène ses propres «Hilaliens», des Berbères zénètes nomades. «C'est pour cette raison que l'auteur a considéré les Hilaliens comme des Berbères et Djazia, nom pas comme une reine arabe mais comme une reine berbère, d'où le titre de son étude : Jazia, princesse berbère.» (à suivre...)