Mais le surlendemain, ne s?avouant pas vaincue, elle revint à la charge : «H?didouène ! les citrouilles du potager de ton père sont devenues énormes ; il est temps d?aller les cueillir !». «Je voudrais bien, répondit H?didouène. Demain à l?aube, tu démailleras ton sac de grosse ficelle et je démaillerai le mien ; ensuite tu remailleras ton sac de ficelle et je remaillerai le mien. Puis, nous irons ensemble cueillir les citrouilles si belles !». El-ghoula, qui n?était pas très habile non plus à monter ou à défaire les chaînes de mailles de l?ouvrage, chargea sa fille de la tâche. «N?oublie pas de démailler et de remailler pour moi le sac dès les premières lueurs de l?aube !», recommanda l?ogresse. Mais Aoura s?endormit et oublia de faire le travail. Au petit jour, El-ghoula se réveilla en sursaut et interpella sa fille : «Donne-moi vite l?ouvrage ! J?espère que tu l?as terminé». Aoura, à moitié endormie, lui tendit le sac qu?elle n?avait pas touché. El-ghoula s?en empara et disparut à grandes enjambées. L?ogresse pour une fois était donc en avance. H?didouène, qui était loin d?être sot, n?avait ni démaillé ni remaillé son sac de grosse ficelle. A l?aube, il s?était rendu dans le potager. Il était encore en train d?admirer un énorme potiron quand il aperçut au loin la poussière du chemin s?élever dans les cieux. Il comprit qu?El-ghoula arrivait à toute allure. Il trancha une grosse citrouille en deux et s?y cacha prestement. Mais dans sa hâte, il laissa dépasser une mèche de ses longs cheveux. El-ghoula renifla à gauche puis à droite et sentit soudain la chair fraîche. Son odorat la guida vers la citrouille et elle aperçut la mèche de cheveux. Elle la saisit aussitôt et se mit à chanter : «Ah mon joli panache ! Ce serait pécher Si je ne t?arrache ; ce serait m?affamer, si je te relâche, oh ! mon joli petit panache !» A chaque mot prononcé, l?ogresse tirait sur la mèche jusqu?à faire sortir, entièrement de la citrouille, le pauvre garçon. Maintenant que les gros doigts d?El-ghoula emprisonnaient solidement les cheveux de H?didouène, elle le souleva de terre et le regarda frétiller ainsi suspendu. Comme elle était contente de l?avoir enfin capturé ! Mais, en fait, elle était quelque peu déçue, l?ogresse ! «Contrairement à ton frère paresseux et à l?autre gourmand, toi, tu es drôlement maigre !» remarqua El-ghoula. «Hé ! Oui, ma El-ghoula, répliqua H?didouène, je comptais bien grossir en mangeant de cette excellente citrouille ! Si tu m?en donnais quotidiennement, pendant vingt jours, je serais certainement gros et gras à souhait !». «Mais pourquoi pendant vingt jours ?» s?étonna El-ghoula «Dans vingt jours, susurra H?didouène, c?est la fête annuelle des ogres et vous avez l?habitude de vous réunir à cette occasion, n?est-ce pas ma El-ghoula ?». «Prétentieux, il faudrait que tu sois bien gros pour nourrir tous les ogres de la contrée !» ricana El-ghoula : «Il suffirait de bien me nourrir, suggéra H?didouène, la citrouille fait des miracles !» L?ogresse enferma H?didouène dans son sac de grosse ficelle et chargea sa fille de le nourrir toutes les heures de tranches de citrouille. Au bout de vingt jours, H?didouène avait fini par amadouer sa geôlière. (à suivre..)