InfoSoir : Comment peut-on expliquer, du point de vue sociologique, la discrimination exercée à l'égard des populations du sud, notamment celles de couleur noire ? ll M. Abdellaoui : Notre société s'est développée dans un cadre où la diversité sociale et culturelle n'est pas prise en considération, or cette différence et cette diversité existent et ne peuvent en aucun cas constituer un facteur producteur de confrontation. Dans notre culture, la couleur noire c'est quelque chose de dévalorisant. Pour protéger leur progéniture et l'éloigner, selon leurs croyances, du mauvais sort, certaines familles n'hésitent pas à donner le prénom «Akli» c'est-à-dire esclave à leurs enfants. Les personnes de couleur noire ne font pas partie de notre imaginaire et ne sont pas un élément constituant notre personnalité et, de ce fait, la diversité n'apparaît pas dans sa composante raciale, mais plutôt dans sa composante culturelle. L'apport de la communauté noire dans différents domaines reste insignifiant, à quoi peut-on imputer cette marginalisation ? ll En effet, la diversité de notre société apparaît davantage sur le plan culturel que dans d'autres domaines. La répartition de la rente a été jusqu'à un passé récent faite en fonction du poids de la protestation. Les régions ayant une possibilité de nuisance sur la stabilité sociale sont toujours en position de force pour négocier leur marge de bénéfice. Le sud algérien est dans notre imaginaire très loin. De plus, c'est une population paisible, portée plus sur la paix sociale, par conséquent moins perceptible. Sur le plan de la négociation de la répartition des richesses et des hauts postes de responsabilité, les gens du sud ne sont pas des acteurs agissants. Avec la crise socioéconomique, néanmoins, un sentiment de frustration commence à se développer. Il faut dire que jusque-là, il n'y a pas eu une politique volontariste de la part des pouvoirs publics pour promouvoir cette région et sa population pour que celle-ci soit partie prenante du point de vue politique, administratif ou économique. Aujourd'hui, il est temps de prendre sérieusement ce problème en considération, car il risque de se poser à l'avenir. Les émeutes qu'ont connues plusieurs wilayas du sud peuvent bien se reproduire et prendre une dimension plus grave. L'autre conséquence de cette marginalisation, est que les sudistes ont, de plus en plus, tendance à développer un sentiment d'hostilité à l'égard des gens du nord et les accusent d'être les responsables des différents fléaux qui sévissent dans cette région, en l'occurrence prostitution et chômage. Un commentaire sur le rôle de l'école dans l'éradication de ce phénomène ? ll L'école à ses différents paliers a été très indifférente à l'égard de la diversité en termes de caractéristiques physiques des différentes communautés qui constituent notre société. La diversité est, rarement ou pas du tout, représentée dans sa dimension la plus concrète dans nos manuels. Aucun personnage noir ne figure sur les livres scolaires. Les établissements scolaires auraient pu, pourtant, contribuer d'une manière très significative dans l'intégration de cette diversité.