Résumé de la 34e partie n Lally fait connaissance avec Rosie. Avec le temps, celle-ci se familiarise avec la gare, là où Sharon et Neil sont captifs… Elle avait découvert l'escalier dérobé qui reliait les deux toilettes pour dames, et quand celle du bas était fermée pour réparations, elle se glissait souvent dans cet escalier et passait la nuit là, à l'insu de tout le monde. Elle s'amusait même à marcher le long de la voie ferrée du tunnel, sous Park Avenue, aplatie contre la paroi de béton quand un train passait en rugissant, partageant des miettes de nourriture avec les chats affamés qui rôdaient dans le tunnel. Mais un endroit la fascinait plus particulièrement dans les profondeurs de la gare ; les gardes l'appelaient Sing Sing. Au milieu des compresseurs, aérateurs, conduits de ventilation, générateurs qui trépidaient, grinçaient, gémissaient, on avait l'impression de faire partie du vrai battement de cœur de la gare. La porte sans inscription en haut de l'étroit escalier de Sing Sing l'intriguait. Avec circonspection, elle l'avait fait remarquer à l'un des gardes qui était devenu un bon ami. Rusty avait répondu que ce n'était qu'un misérable trou qu'on utilisait autrefois pour faire la vaisselle de l'Oyster Bar et qu'elle n'avait-rien à faire là-dedans. Mais elle l'avait embêté jusqu'à ce qu'il lui montre la pièce. L'endroit l'avait ravie. Les murs et le plafond lépreux, l'odeur de moisi, ne l'incommodaient pas. La pièce était grande. La lumière et les éviers fonctionnaient. Il y avait même un petit placard avec un cabinet de toilette. Elle avait immédiatement su que cet endroit comblerait le seul besoin qui lui restait, celui d'une intimité occasionnelle et totale. «Chambre et bains, avait-elle dit. Rusty, laisse-moi dormir ici.» Il avait eu l'air abasourdi. «Pas question ! On me fourrait à la porte.» Mais elle l'avait harcelé tant et si bien qu'il lui avait permis d'y passer une nuit. Puis, un jour, elle s'était arrangée pour lui dérober la cIef quelques heures et elle en avait fait faire un double en cachette. Quand Rusty avait pris sa retraite, elle avait fait de cette pièce, sa pièce. Petit à petit, Lally y avait transporté quelques affaires, un vieux lit de camp délabré ; un matelas défoncé, un cageot. Elle s'était mise à y séjourner régulièrement. C'était ce qu'elle préférait au monde, dormir dans le ventre obscur de Grand Central, recroquevillée au plus profond de sa gare, entendre le rugissement sourd et le roulement des trains diminuer à mesure qu'avançait la nuit, pour s'amplifier à nouveau dans le matin glacial. Parfois, couchée là, elle se souvenait du Fantôme de I'Opéra qu'elle enseignait à ses élèves. «Et, sous ce bel Opéra doré, il y avait un autre monde, leur disait-elle un monde noir et mystérieux, un monde de souterrains d'égouts et d'humidité ; où un homme pouvait se dérober au monde entier.» (à suivre...)