Le nom de Ben Laden n?inspire pas uniquement de la répulsion à la monarchie saoudite en butte au terrorisme commandité par l?organisation terroriste qui se revendique du terroriste du même nom. Le groupe saoudien Ben Laden, qui appartient à la famille du chef d?Al-Qaîda, vient de faire un don d'un million de riyals (270 000 dollars) destiné à alimenter un fonds de lutte contre la pauvreté en Arabie saoudite. Ce geste humanitaire du patron du Saudi Ben Laden Construction Group, Yahia Ben Mohammad Ben Laden, est venu en réponse à un appel lancé par le prince héritier saoudien Abdallah Ben Abdel Aziz pour aider à lutter contre la pauvreté. C?est le paradoxe d?un pays très riche, classé comme le plus grand producteur mondial de pétrole, mais dont la majorité de la population (qui compte quelque 23 millions d'habitants dont 7 millions d?expatriés), vit dans la misère. Le prince Walid a évoqué un taux de chômage de pas moins de 30 %, sinon plus dans le journal saoudien Al-Watan. Les jeunes sont les plus touchés, ils ne cessent d?adresser aux dirigeants des pétitions pour réclamer plus de droits. Les femmes, victimes de ségrégation sexiste, n?ont pas le droit de conduire, de voyager seules tout en étant incapables de trouver une alternative à leur célibat. La famille régnante, les Séoud, dirige d?une main de maître le royaume au nom du wahhabisme, doctrine servant à rallier les fidèles au régime basé sur la charia islamique. Le réseau terroriste Al-Qaîda concurrence sur ce terrain la monarchie des Séoud en affirmant être le vrai dépositaire du wahhabisme à l?état pur, tel que légué par le Turc Ibn Taymiyya. Longtemps, les Saoudiens se sont préoccupés d?exporter leur doctrine vers les pays arabes et musulmans dans le but évident de contenir les mouvements démocratiques qui menacent la légitimité du pouvoir wahhabite. Mais aujourd?hui, le régime mis en place par les Séoud est en train de payer chèrement sa politique, n?ayant jamais songé que sa propre création pouvait retourner les armes contre lui. Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis vont, du reste, attirer beaucoup d?ennuis au royaume qui se voit reprocher par Washington son laxisme dans la lutte antiterroriste. Selon les enquêteurs, 15 des 19 auteurs de l?attentat étaient Saoudiens. Aussi, sous la pression de l?Amérique, le berceau de l?Islam va-t-il servir de base arrière à la coalition qui a mené la guerre contre l?Irak en avril 2003. Alors que la seconde guerre du Golfe n?était pas encore terminée, un triple attentat-suicide perpétré par 15 kamikazes secoue, le 12 mai 2003, un quartier résidentiel à Riyad, faisant 35 morts et 194 blessés. L?attentat sera revendiqué par Al-Qaîda. Le 4 novembre dernier, 8 islamistes ont été arrêtés lors d?affrontements avec les forces de sécurité. Selon le prince Nayef à Riyad, les terroristes affiliés à une cellule d?Al-Qaîda s?apprêtaient à commettre un attentat à La Mecque, qui «visait les pèlerins venus pour le petit pèlerinage (Omra) dont le nombre atteint jusqu?à un million». Un autre attentat-suicide à la voiture piégée ? revendiqué par l?organisation de Ben Laden ? sera commis le 8 novembre dans un complexe résidentiel faisant 17 morts et plus de 10 blessés. L?attentat, qui a eu lieu près du palais royal, donne des sueurs froides à la famille régnante. Les autorités procèdent à des centaines d?arrestations parmi les islamistes extrémistes et déclarent la guerre aux terroristes. En outre, des manifestations sans précédent dans le royaume à l?appel du Mouvement islamique pour la réforme en Arabie saoudite (Mira, basé à Londres) exacerbent davantage la tension. De larges pans de la société saoudienne réclament plus de libertés même si un conservatisme social y domine. Le pouvoir promet des élections pour 2004 pour choisir la moitié des conseils municipaux. Récemment, les débats du Conseil consultatif avaient été diffusés pour la première fois par la télévision.