Quelques heures avant les frappes américaines contre une trentaine de bases militaires des taliban et des camps d'entraînement d'Al-Qaîda, le gouvernement britannique a diffusé le document accusant Oussama Ben Laden des attaques du 11 septembre. Ce document, en 70 points, recense toute l'activité de l'organisation terroriste Al-Qaîda (fondée en 1989) et celle de ses principaux membres. Ce rapport débute par un bref rappel des actes terroristes perpétrés par Al-Qaîda que les Américains déclinent en trois opérations majeures qui sont les attentats contre les GI en Somalie en octobre 1993 (18 morts), les attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en août 1998 (224 morts et 5000 blessés), et celui contre le destroyer américain «USS Cole» en octobre 2000 au Yémen (17 morts et 40 blessés). Ce rapport indique également que l'organisation Al-Qaîda s'est installée en Afghanistan en 1996 et qu'un deal existe entre les taliban et Ben Laden. Le régime du mollah Omar, protégeant le suspect numéro un des Américains et le second fournissant des moyens financiers et équipements militaires à l'armée des taliban dans leur guerre contre l'Alliance du Nord de l'ancien commandant Massoud. Ce rapport des services secrets américains recense l'ensemble des déplacements de Ben Laden (Pakistan, Yémen, Soudan, Afghanistan) durant ces neuf dernières années, et publie l'ensemble des déclarations de Ben Laden sur les chaînes de télévision arabes ou américaines où il menace explicitement les Américains et leurs alliés de représailles et d'opérations meurtrières, dont celle du 12 octobre 1996, que Washington situe comme le premier appel au djihad international contre les Etats-Unis. Ce rapport stipule également que Ben Laden n'a reconnu son implication dans le premier attentat contre le WTC en 1993 que lors d'un entretien télévisé en 1997. Le rapport américain revient sur les moyens financiers de Ben Laden et la création des camps d'entraînement des Afghans arabes au Pakistan, en Afghanistan, en Somalie, au Soudan et au Kenya. Il cite les holdings Wadi al-Aqiq, la compagnie du bâtiment Al-Hijra, la société agricole Al-Thimar Al-Mubaraka, et les compagnies financières Ladin International et Taba Investments comme étant les sociétés écran d'Al-Qaîda, dans son financement des opérations terroristes. Les enquêteurs livrent également les déplacements suspects des lieutenants de Ben Laden sur l'ensemble des sites où des attentats terroristes anti-américains ont eu lieu. Mohamed Attaf, chef de la branche militaire de l'Armée de libération islamique des Lieux Saints, le bras opérationnel d'Al-Qaîda, a été photographié en Somalie et au Soudan avec les auteurs des attentats contre les US Embassy. Abou Obeidah Al-Banshiri, un des idéologues d'Al-Qaîda, est responsable du déploiement des réseaux Ben Laden en Afrique noire. D'autres noms de terroristes, la majorité de nationalité saoudienne, sont cités comme les auteurs des attentats-suicide contre les intérêts américains, qui font le parallèle avec les méthodes d'attentats des réseaux Ben Laden et les opérations-suicide contre le WTC et le Pentagone. Les Américains évoquent aussi une cassette vidéo, distribuée un mois seulement avant les attentats du 11 septembre, par des terroristes d'Al-Qaîda dans certains pays du Moyen-Orient appelant à des attentats spectaculaires contre les Etats-Unis. Le rapport de la CIA indique que les Américains détiennent des preuves sur le fait que l'ensemble des membres de l'encadrement d'Al-Qaîda a reçu des instructions pour rejoindre l'Afghanistan avant le 10 septembre. Soit un jour avant les faits. Ainsi que de nombreux indices (dont des liaisons téléphoniques entre l'Afghanistan et l'Europe) de certains proches de Ben Laden se réjouissant de la réussite de l'opération. Le rapport conclut qu'aucune autre organisation terroriste qu'Al-Qaîda de Ben Laden n'a «la motivation et la capacité nécessaires» pour monter une opération de cette envergure, mais sans s'étaler sur ces certitudes. Les «preuves» contenues dans ce rapport sont une succession de rappels des faits antérieurs au 11 septembre et une foule d'indices. Le Premier ministre anglais, Tony Blair, a reconnu, lui-même, que «ces éléments n'étaient pas suffisants pour conduire Ben Laden devant la justice», mais ajoute qu'il existe «des preuves d'une nature très spécifique» que les alliés refusent de rendre publiques pour des raisons de sécurité. Le besoin de rallier plusieurs gouvernements au sein de la coalition antiterroriste semble avoir motivé la publication de ces preuves sommaires afin de contenter la demande des pays, dont l'Algérie, qui revendiquent des preuves tangibles pour soutenir les frappes américaines contre l'Afghanistan.