Résumé de la 1re partie 18 minutes de bande enregistrée, plus les 25 dernières secondes de la vie d?un être, voilà l?essentiel d?un procès d?assises. J?ai vraiment voulu mourir, tu ne vas pas me le reprocher à chaque fois, tout de même ? ? S?il faut être franc, si. Pour moi, vois-tu, les gens qui se suicident trois fois cherchent autre chose que la mort? ? Ah ! bon ? Et quoi à ton avis ? ? Si tu es prête à entendre la vérité je veux bien continuer, mais c?est dangereux. J?ai peur de te faire mal. Encore plus mal que tu ne crois? ? J?ai souffert bien plus que tu ne l?imagines, alors vas-y. ? Oh ! écoute... Laissons tomber ce sujet, ça vaudra mieux... ? Oh ! Ah ! non. Ce sujet, comme tu dis, c?est l?essentiel. C?est ma vie actuellement, et mon problème. Un problème dont tu es responsable, d?ailleurs, alors parle. J?ai besoin de t?entendre. ? Tu vois, tu te mets tout de suite dans un état épouvantable. Tu dramatises tout ! ? Parce que nous sommes dans le drame, et tu ne veux pas l?admettre ! ? Non, pas nous. Toi. Toi seulement, c?est d?ailleurs pour ça que tu te suicides ! Un balayeur le comprendrait. ? Et tu comprends quoi, toi ? ? Que tu veux te faire remarquer et que tu cherches à m?attendrir. J?estime que le suicide, dans une histoire comme la nôtre, est un chantage, ni plus ni moins. Surtout quand on se rate. Pardonne-moi, je t?avais prévenue. ? Autrement dit, tu me préférerais morte ? ? C?est le but d?un suicide, non ? Et ce n?est pas moi qui devrais préférer, mais toi ! ? Tu m?assassines, en quelque sorte ! Tu te débarrasses de moi. ? Ne passionne pas le sujet. J?essaie de parler logiquement et froidement si possible. Je parle du suicide en général, dans les histoires d?amour, et je dis : une fois, ça rate, c?est possible. Deux fois : c?est la malchance. Trois fois : c?est une tactique ! ? Tu es un monstre ! ? Non, je ne suis pas un monstre. C?est toi qui fais de moi un monstre. ? Alors qui es-tu ? ? Ton mari. ? Tu n?es plus mon mari puisque tu me trompes. Combien y en a-t-il eu ici ? Vingt, trente ? ? Trois. Et tu le sais. ? Pourquoi ? ? Mais je ne sais pas. J?en ai eu besoin ou envie. Elles étaient jolies sans complication, peut-être que cela me repose. ? De moi sans doute ? ? Oui, de ta jalousie surtout. ? Mais je ne suis jalouse que parce que tu me trompes ! Non? Je vais te dire ce que je pense. La première fois, tu as cru que j?allais mourir. Malheureusement, c?était raté, alors tu recommences. Tu espères qu?un jour j?y arriverai. C?est plus facile de tuer les gens comme ça que de leur mettre un revolver sous le nez, il n?y a qu?à attendre qu?ils réussissent enfin leur suicide. ? Si tu le crois, c?est que tu me prends pour un lâche. Si je devais te tuer, je ne craindrais pas le revolver. Je ne suis ni un lâche ni un velléitaire. ? Alors tue-moi ! ? Maria arrête ! Tu deviens dangereuse? Il y a un long silence sur la bande enregistrée. Comme il a dit ça drôlement : «Dangereuse.» Dangereuse pour elle, ou pour lui ? A-t-il peur d?être poussé à bout ? Pense-t-il qu?il pourrait tuer dans ce cas ? Va-t-il le faire ? Maria pleure. La bande magnétique laisse entendre quelque temps des sanglots étouffés, rageurs, c?est une crise de nerfs et il ne dit rien. Il ne console pas. Il a peut-être l?habitude, il est peut-être cruel, en tout cas, il se tait. Ce dialogue a été entendu dans le silence d?une cour d?assises. Un silence impressionnant, gêné. Les jurés et les magistrats avaient le sentiment d?écouter aux portes, de violer la vérité finalement. Elle est si rare cette vérité. Il est si rare d?entendre, mot pour mot, intonation par intonation, la dernière conversation d?un homme et d?une femme, dont l?un va tuer l?autre, dans huit minutes de bande magnétique, enregistrée. (à suivre...)