Ambiance n Devant le grand portail de l'école primaire, des parents achètent des bonbons à leurs petits enfants dont c'est le premier contact avec l'école. Avant la sonnerie, des mamans mettent les dernières retouches, comme dans les castings. Vous avez un enfant qui va pour la première fois à l'école ? Vous avez dû vous en faire des soucis ; et pourtant chaque mois de septembre, un grand nombre de parents sont dans la même situation que vous. C'est à partir de ce premier baptême du feu que dépend la suite du parcours de votre chérubin. «Si certains enfants ont l'air d'être agréablement surpris de connaître un nouveau monde, de nouveaux amis, d'autres, en revanche, refusent carrément le premier contact avec l'école. Ils ont visiblement peur d'un monde qu'ils ne connaissent pas. Ce genre de paradoxe, je l'avoue, ne m'est pas étranger. Je le vis depuis de longues années», dit S. M., 62 ans, directrice d'une école primaire à Haï El-Badr, un quartier populaire situé à équidistance entre Kouba et Bachdjarah. Le grand portail retapé à neuf n'est pas encore ouvert, mais en ce jour ensoleillé, des groupes de garçons et de filles s'agglutinent juste devant l'entrée dans un indescriptible magma. Ils jouent et s'amusent dans une parfaite communion, échangent de sourires, des plaisanteries à propos des vacances de l'été et même des railleries à gogo. Visiblement, ils se connaissent depuis longtemps. Mais une autre colonie d'écoliers reste, elle, en revanche, moins turbulente. Beaucoup moins excitée. Il s'agit des garçons et des filles dont c'est le premier contact direct avec l'école. Détail important : ils sont accompagnés par leurs parents qui, en aucun cas, ne veulent rater cette «occasion en or» d'escorter leurs petits, sur les chemins escarpés de l'autonomie. Avant la sonnerie, prélude d'une entrée très attendue, c'est la grande kermesse. Une femme sort un peigne de son sac pour soigner une dernière fois, la queue-de-cheval de sa petite «princesse», une petite rouquine qui ressemble à «Barbie» dans sa belle blouse rose. Une autre femme remet soigneusement de l'ordre dans le sac à dos de son fils, tout en lui donnant une poignée de friandises sans se soucier, il est vrai, des risques réels des caries dentaires et même de la constipation que ces sucreries peuvent provoquer. Un homme, avec une cravate — visiblement un cadre — donne les dernières recommandations et consignes à son petit Fethi. «Fethi, sois gentil avec la maîtresse, sois gentil avec tout le monde et ne fais pas de bêtises», lui a-t-il intimé. Visage angélique avec deux superbes fossettes, Fethi acquiesce et semble suivre attentivement les recommandations de son papa. Comme tout écolier qui entre pour la première fois à l'école, Fethi a son immatriculation collée, sur le haut du tablier. Ses épaules et son dos de six ans sont si frêles qu'il a du mal à supporter le poids d'un sac au dos, pourtant à moitié vide, puisque la liste des fournitures ne lui a pas encore été attribuée par l'instituteur. 9h pile, la sonnerie retentit. Le gardien qui devait ouvrir le portail a failli tomber et même être piétiné par les petits et les petites qui fonçaient droit sur la grande cour de récréation, comme dans un gros et musclé match de rugby.