Alarme n «La situation du théâtre algérien demeure critique.» C'est ce qu'a constaté Mohamed El-Aïd Kabouche, metteur en scène, que nous avons rencontré, hier. «Nos théâtres (régionaux) se vident aujourd'hui, et de plus en plus, de ses comédiens et aussi des métiers du théâtre», regrette-t-il, ajoutant que «le théâtre de Annaba n'a plus de – ses – troupes. Ceux qui assurent l'animation théâtrales au sein de l'établissement font tous partie des troupes ou coopératives indépendantes ou simplement venus des autres villes». S'agissant, par ailleurs, des métiers du théâtre – machiniste, éclairagiste ou encore ingénieur de son – Mohamed El Aïd Kabouche dresse un tableau sombre. «Qui va demain assurer le côté technique de la pièce ?», s'interroge-t-il. D'où la nécessité, aux yeux du metteur en scène, de penser et de préconiser une politique largement favorable au renouveau et de la pratique théâtrale et aux différents métiers du théâtre. Si les théâtres régionaux n'ont plus leurs propres troupes, c'est seulement parce qu'il n'y a pas de relève. «Le drame, chez-nous, c'est que la formation dans les arts dramatiques se fait uniquement à Alger (l'institut d'art dramatique de Bordj el-Kiffan). C'est une formation malheureusement centralisée», explique Mohamed El-Aïd Kabouche qui, en vue d'assurer la relève et donc de décupler les talents, plaide pour la création des écoles et des instituts, çà et là, dans les différentes régions du pays. «Il est nécessaire de décentraliser la formation», a-dit-il. Et d'affirmer : «C'est le seul moyen, à mon avis, de créer une dynamique visant à régénérer le fonds théâtral.» Il déplore que les comédiens, ayant, à l'origine, une formation scénique, tournent, de plus en plus, le dos aux planches. «Nos comédiens sont nombreux à abandonner la scène pour se reconvertir, pour des raisons commerciales, à l'audiovisuelle». Mohamed El-Aïd Kabouche, qui présente depuis mardi au théâtre national sa pièce Timthal doc (la statue de doc), soutient que la «survie» du théâtre passe, d'abord et avant tout, par la formation – et donc par l'initiation au fait du théâtre. «Il faut créer et multiplier les espaces de formation afin de multiplier les talents et de diversifier les expériences», souligne-t-il. Et d'ajouter : «La formation passe aussi par les établissements scolaires et également par les milieux universitaires.»Ainsi, évoque-t-il son expérience dans ce domaine-là. «J'ai mené, il y a quelques années, et tenant compte de mon itinéraire professionnel, une expérience qui, se révélant concluante, m'a conduite à créer et à animer un atelier d'animation dans un établissement scolaire», raconte-t-il, ajoutant : «Les élèves, de plus en plus nombreux, s'inscrivent au cours de théâtre. Le but était d'initier les jeunes à l'art des planches.» Mohamed El-Aïd Kabouche évoque également une autre expérience qu'il a menée au niveau de l'université et qui lui a permis d'atteindre son objectif. Ces deux expériences – notamment la dernière – l'ont en effet conduites à créer une coopérative indépendante, Vanessa Studio Théâtre de Annaba, œuvrant activement et régulièrement dans la pratique et la promotion du 4e art, et qui comprend une trentaine d'étudiants et étudiantes de tous bords. «Mon fils, Khalil Kabouche, en fait d'ailleurs partie», dit-il avec un sourire. Et de poursuivre : «Ce n'est qu'à la troisième demande qu'il a rejoint la troupe, et il est maintenant un inconditionnel du théâtre.» Mohamed El Aïd Kabouche indique, en outre, que son association ne se limite uniquement pas à la formation, mais également à l'échange. «Nous faisons appel à l'ancienne génération, professionnels et spécialistes, pour compléter et renforcer l'apprentissage des plus jeunes. Il y a une relation d'échange et de partage entre les uns et les autres», dit-il. Enfin, et s'exprimant sur la façon dont le théâtre est pratiqué, notamment par les théâtres régionaux, Mohamed El Aïd Kabouche souligne que « les théâtres fonctionnent de la même façon – administrativement parlant. Mais sur le terrain, chacun tente une expérience pour faire avancer et varier l'exercice théâtral.» Il se trouve que ses expérimentations sont menées, en général, par les troupes indépendantes, car, selon les professionnels, «tout théâtre projeté dans le service public se ressemble, empêchant la création». «Nos produits sont figés dans un même moule», affirment-ils. D'où la nécessité de libérer, d'encourager les initiatives individuelles.