Orage n Le ciel s'est brusquement zébré d'éclairs et le tonnerre s'est mis à rouler son bruit d'enfer. La pluie s'est mise à tomber à torrents. Mille cinq cent deux, à Poligny dans le Jura. Pierre Bourgot est ce berger qui, depuis la mort de ses parents, vit seul dans sa masure. Il a pratiquement coupé tout contact avec les habitants du village. Chaque matin, il sort son troupeau de moutons et se rend dans la montagne. Il ne rentre que le soir, à la tombée de la nuit. Ce jour-là, alors qu'il rentrait, il est surpris par l'orage. Le ciel s'est brusquement zébré d'éclairs et le tonnerre s'est mis à rouler son bruit d'enfer. La pluie s'est mise à tomber à torrents. Les bêtes, effrayées, se dispersent, bêlant désespérément. «Calme ! calme !», crie Pierre. Mais ses moutons ne l'écoutent pas, et plusieurs se perdent. Le berger réunit ce qu'il lui reste, les emmène à l'abri dans la bergerie, puis, prenant son bâton, part à la recherche des animaux égarés. L'orage n'est pas encore passé, mais le berger n'en a cure : les moutons représentent sa seule richesse et il veut, coûte que coûte, les récupérer. Il s'enfonce dans la forêt, appelant ses bêtes. «Revenez ! Revenez !» Mais personne ne répond à ses appels. Après avoir erré toute la nuit, il revient, à l'aube, exténué et surtout désespéré. Il s'adosse à un arbre et se met à pleurer. «Mes moutons sont perdus. S'ils ne sont pas morts dans l'orage, ils auraient été dévorés par les loups !» A ce moment-là, un bruit de galop se fait entendre. Pierre a juste le temps de se retourner : trois cavaliers lui font face. Ils lui paraissent gigantesques dans la lueur de l'aube. Ils sont entièrement habillés de noir et leur longue chevelure, noire également, flotte dans leur dos. Leurs chevaux, de magnifiques coursiers d'ébène, se cabrent en hennissant. Il semble à Pierre qu'il s'échappe du feu de leurs nasaux. — Qui êtes-vous ? demande-t-il d'une voix apeurée. L'un des cavaliers lui répond. — C'est plutôt à toi de nous dire qui tu es ! Sa voix, caverneuse, augmente la peur du jeune homme. — Je m'appelle Pierre… Pierre Bourgot… Le cavalier qui a parlé avance son cheval vers lui. Pierre reçoit son souffle au visage : un souffle brûlant qui lui fait pousser un cri de douleur. — ne me faites pas de mal, supplie-t-il. Le cheval continue d'avancer, menaçant Pierre. Mais le cavalier tire sur la bride de l'animal qui recule. — Dis-nous ce que tu fais, à une heure pareille, dans la forêt ! Pierre, en tremblant, s'appuie fortement sur son arbre, comme s'il cherchait sa protection. — Je suis à la recherche de bêtes égarées ! (à suivre...)