Fiction n Compte tenu de la crise de scénario, des réalisateurs se trouvent, parfois, obligés d'écrire le scénario de leur film. Qu'est-ce qui fait que, lorsqu'on regarde un film, un téléfilm ou encore un feuilleton, ça nous déplaît ? Pourquoi nos fictions télévisuelles et cinématographiques n'accrochent-elles pas le public ? «C'est parce que les scénarios ne sont pas bons», s'accordent à dire tout bonnement les professionnels. Il y a effectivement une crise du scénario. À la télévision comme au cinéma, il y a absence de sujets adaptés aux attentes de la société et de création fictionnelle susceptible d'intéresser le public. «Il y a une crise au niveau de l'écriture, du script, et de l'imaginaire. Un bon film, à 50% est l'écriture», relève Djaâfar Gacem, réalisateur de sit-com (Nass Mlah City) et du feuilleton (Mawîd maâ el kader), ajoutant : «L'absence inquiétante de scénaristes capables d'écrire une histoire susceptible d'intéresser le public a fait que, par la force des choses, les réalisateurs deviennent scénaristes. J'aimerais bien travailler sur des scénarios prêts à l'emploi, mais la réalité est là.» Ainsi, face à cette crise qui ne cesse de s'accentuer, des réalisateurs se trouvent, parfois, obligés d'écrire le scénario de leur film, alors que c'est une tâche qui doit en principe incomber aux auteurs de scénarios. Salim Aggar, réalisateur de ça tourne à Alger, un documentaire sur l'exercice cinématographique, fustige les réalisateurs qui se font scénaristes. «Si on enregistre une crise du scénario, c'est parce que les réalisateurs se sont convertis à l'écriture scénaristique. Or ils n'ont ni l'expérience ni le talent», déplore-t-il. Et de regretter encore : «En outre, il n'y a pas de scénaristes spécialisés. On écrit un scénario comme on écrit une lettre.» C'est-à-dire que «les scénarios s'écrivent sur le tas, au fil du tournage, que les réalisateurs expliquent la situation aux acteurs, et ce sont eux qui improvisent le dialogue, construisent leur personnage, mettent en situation la trame, ils imaginent le déroulement de l'action.» Selon lui, «les scénarios sont improvisés ; et l'improvisation a tué la création scénaristique». «Ce qu'il faut savoir, c'est que la force du film n'est pas technique mais scénaristique», explique-t-il. Et de poursuivre : «La force d'un scénario réside dans la mise en texte d'une image sans dialogue.» Ainsi, l'écriture scénaristique reste d'abord une technique. Enfin, pour Ali Ghanem, réalisateur de plusieurs films dont Chacun sa vie soutenu par le ministère de la Culture dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe», estime que la crise du scénario a pour origine l'absence d'imaginaire, de créativité, donc de liberté. «Si nos scénarios sont faibles, c'est parce qu'il y a des tabous au plan moral et politique qui interfèrent dans le travail du cinéaste. On est alors limité au niveau de l'écriture», relève-t-il. Ainsi, la censure et l'autocensure affaiblissent le texte, le dépouillent de sa substance significative, le rendent prosaïque. Elles font que le scénario perd de sa qualité et de toute sa valeur dramaturgique. l Une écriture libre, sans retenue ni embarras politique, social, culturel ou religieux, permet manifestement de libérer l'imaginaire et, du coup, donner au produit cinématographique un contenu soigné, attrayant et substantiel. Mais qu'est-ce qu'il faut faire réellement pour réhabiliter l'écriture scénaristique et rendre nos fictions davantage attachantes ? «Il faut une école», propose Salim Aggar, une école à même de résorber ce déficit, mais à défaut d'une institution en mesure d'initier l'écriture scénaristique et d'une commission chargée de contrôler la qualité des scénarios, un concours de scénario s'avère une solution (même provisoire) pour booster le secteur et lui donner une dynamique créatrice. Quand on dit concours, on entend un concours avec un jury composé de professionnels, de connaisseurs, voire un jury international. Aujourd'hui, tous prétendent être auteurs de scénario, même un débutant entend l'être. Il y a de l'amateurisme dans l'écriture du scénario. Cet état de fait ne cesse d'accentuer la crise de l'imaginaire et de l'écriture. «Un constat terrible d'une fiction locale qui est devenue malheureusement une réalité nationale», conclut Salim Aggar.