Sur initiative de l'Association des réalisateurs professionnels algériens (ARPA), une journée d'étude sur le scénario a été organisée à la salle Frantz Fanon de Riadh El Feth de concert avec le ministère de la Culture après un constat sévère sur la qualité de nos produits audiovisuels.La famille du 7ème art se rend de plus en plus compte que pour faire de bons films, il faut d'abord prendre en charge de façon professionnelle les différentes étapes de la production d'une œuvre, à commencer bien sur par le scénario. Et qu'est ce qu'un scénario en fait ? Un scénario est " un récit technico-littéraire destiné à être filmé, dessiné dans le cas d'une bande dessinée ou modélisé en 3D dans le cas d'un jeu vidéo ou d'un film d'animation. Il constitue l'une des étapes de la fabrication d'un film, étape importante qui conclut la phase de développement du projet (phase comprenant le travail sur des pitches, synopsis, séquenciers, traitements) et va permettre sa mise en production (pré-production, réalisation, post-production). L'écriture scénaristique se démarque de l'écriture littéraire par sa présentation de faits visuels et auditifs, toujours au présent, et se rapproche en cela de l'écriture théâtrale. Un scénario est censé décrire ou suggérer ce qu'on verra et entendra dans un film, ou ce qu'on lira dans une bande dessinée. En plus des dialogues, le scénario contient aussi des descriptifs (les indications visuelles et auditives), que l'on appelle des didascalies." Les professionnels de l'image et du son reconnaissent qu'en Algérie il n'existe pas de scénariste, et que les réalisateurs qui s'étaient formés dans le tas écrivent eux-mêmes leur scénario, le produisent et le réalisent, ce qui n'est pas normal compte tenu du fait que chacun dans ce domaine doit avoir son métier propre. Partant de ce constat, Ahmed Béjaoui, modérateur de cette journée d'étude, dira qu'hormis Mohamed Lakhdar Hamina qui a fait appel à l'écrivain Rachid Boudjedra pour l'écriture des scénarios de ses films, aucun réalisateur ne s'appuie sur une écriture scénaristique de base avant d'aller sur le plateau de tournage. C'est le cas de Merzak Allouache par exemple, qui utilise des bouts de récits qu'on lui raconte ou qu'il vit, à partir desquels il coud l'histoire de son film, généralement décousu et sans logique interne. " Les Etats-Unis sont le plus grand pourvoyeur d'images de fiction du monde. Il y a maintenant, peut-être, la France qui pourrait les concurrencer mais à un degré beaucoup plus bas. Ce que je vois d'intéressant ici dans cette journée, c'est que pour la première fois on pose la question et le problème en plein sur, non pas le scénario, mais l'absence de scénario, non pas de scénariste mais d'absence de scénariste. Cela veut dire que depuis l'Indépendance, il y a une vision un peu mythique du cinéma algérien. Peut-être est-ce mieux. Il faut bien que le passé soit un peu enjolivé. Moi je l'ai vécu ce passé, je n'enjolive pas du tout. Je pense que la plupart des cinéastes étaient des self made men, qui ne savaient pas écrire. Nous avions un problème qui s'est aggravé. Parce que nous n'avions pas de scénarios mais nous n'avons rien fait pour avoir des scénaristes. Un scénariste, ça vit de scénario. Sinon, il vit d'autre chose. Il ne peut pas vivre de ce métier. Aujourd'hui, on ne peut pas en vouloir aux réalisateurs qui vous disent, "Il n'y a pas de scénaristes!" " Mais d'un autre côté, s'ils avaient eu envie de faire appel aux scénaristes, aux écrivains, aux gens, aux journalistes qui parfois savent raconter de belles histoires, on n'en serait pas là. La force du journalisme anglo-saxon, par rapport à nous, est indéniable. Nous, on nous demande quel est votre message? et les Américains, on leur demande quelle est votre histoire? " avait soutenu Ahmed Béjaoui dans une interview.Dans un pays où il n'existe pas d'école proprement dite du 7ème art, les gens du métier ont tendance à porter plusieurs casquettes en même temps, ce qui altère sérieusement leur production souvent amputée d'un art qu'on ignore. Selon le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Communication, Azzedine Mihoubi, " contrairement aux années 1960, où le scénario était essentiellement basé sur le dialogue, aujourd'hui, les scénaristes utilisent de plus en plus l'image, la gestuelle et les nouvelles technologies de l'information et de la communication." Le réalisateur algérien, Lamine Merbah, a déploré pour sa part que les réalisateurs algériens continuent encore d'écrire des scénarios. Il a fait part dans ce contexte de sa " déception " puisque, a-t-il dit, " sur 75 projets de scénarios soumis à la commission de lecture, neuf seulement ont été agréés en 2008 ". De son coté, Mouloud Achour, journaliste et ancien membre de la commission de lecture à la Télévision nationale, a appelé à " encourager " les scénaristes afin de permettre aux réalisateurs de se consacrer pleinement à leur mission. Il a aussi appelé à tendre des " passerelles " entre la production littéraire et le cinéma, suggérant en outre aux scénaristes d'explorer et de traiter de thèmes autres que les drames sociaux. Le scénariste égyptien Ahmed Mahfoud Abderrahmane qui a à son actif une trentaine de scénarios pour films et feuilletons, a appelé de son côté à " respecter " l'idée développée par le scénariste et de "ne pas la censurer". Selon lui, " un bon scénariste doit être doué, faire des études dans ce domaine et capitaliser une certaine expérience. " Cette journée qui s'est clôturée dimanche dernier, était le préambule pour une formation de trois semaines au métier de scénariste dont bénéficieront une douzaine de jeunes. Rebouh H.