Résumé de la 1re partie n Son époux décédé, Djerada envoie Rabah son fils un peu simplet, vendre leur grand bœuf et lui acheter un «tadjin boufarah»... Pour la première fois, il faisait l'homme. On le voyait harcelant son bœuf de ses «ha» impératifs, très crâne, la tête haute, souriant aux oiseaux. Il n'eut pas de peine à trouver preneur pour un aussi beau sujet. Un acheteur se présenta. Il examina la bête avec minutie, la tâta, la caressa et finit par demander : «Combien ?» Rabah se rappelant les recommandations de sa mère demanda à l'homme : «Peux-tu me procurer un tadjin boufarah, le plus rouge possible ? — C'est facile. Mais, combien ton bœuf ? — Ça dépend. Si tu me donnes le tadjin très, très rouge, j'ajouterai encore de l'argent.» Le malin maquignon s'éclipsa une minute et revint avec un tadjin très rouge. Alors Rabah, ramassant ses derniers sous dans la poche de sa djellaba, les donna ostensiblement à son client en disant : El ahmar bel ahmar Ou el ghameq iazid !... Le rouge en échange du rouge Pour le plus foncé on rajoute !... Et il revint à la maison triomphant avec son tadjin. La mère explosa devant la stupidité de son fils. Puis elle se décida à aller au marché pour essayer de récupérer son bœuf ou un équivalent et invita Rabah à prendre quelques leçons d'astuce. Arrivée aux abords du souq, elle pria son fils de s'écarter et s'assit en plein soleil sur le rebord du talus de la route. La canicule était brûlante. En peu de minutes son visage devint suant et écarlate. Un homme arriva vers le marché sur un cheval richement harnaché. Lui-même portait beau et avait une attitude avantageuse. La femme, toute congestionnée, se prit à le regarder fixement avec admiration. Le cavalier s'intéressa à elle, mit pied à terre et lui demanda ce qu'elle attendait : «J'attends, dit-elle, mon mari qui m'a laissée seule ici pour aller au marché. Je crains de mourir de congestion... — Comment est ton mari ? — C'est l'homme le plus grand du marché... Je vais le chercher. Garde mon cheval.» Le galant cavalier partit. Il trouva l'homme le plus grand du marché et lui dit : «Comment avez-vous pu laisser votre femme seule, en plein soleil à la porte du marché ? — Moi ? J'ai laissé ma femme ? Voilà pour ton insolence !» Et l'homme, le plus grand du marché allongea à l'obligeant cavalier un retentissant soufflet. Le cavalier revint vers la femme. Mais elle avait déjà fait signe à son fils de la ramener à cheval chez elle. Notre homme courut derrière eux et les rattrapa à la porte de leur maison. (à suivre...)