Ténacité n Plus ou moins observées, certaines coutumes millénaires ont tout de même le mérite de subsister. La quasi-totalité des régions d'Algérie célèbre Yennayer, le nouvel an berbère. Avec, certes, moins d'enthousiasme et d'entrain mis dans la préparation des fêtes de l'Aïd. Mais la pratique a le mérite de subsister après trois millénaires, puisque les historiens s'accordent à admettre que son origine remonte à l'an 950 avant l'ère chrétienne. Précisément le jour où le premier pharaon berbère monta sur le trône de l'Egypte antique. Bien entendu, la brave vieille de Kabylie qui engraisse l'inévitable coq de Yennayer ou la maîtresse de maison tlemcénienne qui prépare les gâteaux de circonstance, ignorent tout de Chechonq Ier et de son épopée. Parfois, même les universitaires n'en sont pas plus informés. «C'est une tradition ancestrale et nous l'observons scrupuleusement.» Voilà tout. Cette réplique revient à chaque interrogation sur l'origine de nombres d'autres pratiques et traditions. A l'image du rituel d'Anzar, observé simultanément avec la prière de l'Istisqâa (prière de la pluie ou des rogations). Bien que musulmane depuis 14 siècles, la Kabylie, à chaque sécheresse qui perdure, prie Allah le Tout-Puissant, suivant les recommandations du Coran et de la sunna du Prophète, tout en invoquant un énigmatique Anzar qui serait, selon les spécialistes des civilisations anciennes, le dieu de la pluie dans la mythologie berbère. Les bonnes grâces de ce dieu «rescapé» des temps révolus sont encore sollicitées par des femmes et des enfants au moment même où leurs maris et pères prient en rangs rectilignes suivant le rite musulman. Les mêmes femmes, pourtant d'une piété irréprochable, ne peuvent s'empêcher de saluer religieusement des rocs froids et muets dressés par la nature après tant de bouleversements géologiques, non sans prendre le soin de glisser au passage un vœu que ces «âassassen» (vigiles) voudront peut-être bien exaucer. Une pratique venue tout droit, estiment les anthropologues, des temps où le culte mégalithique (sacralisation de la roche) était largement répandu dans toute l'Afrique du Nord. Ça aussi, nos bonnes vieilles l'ignorent. Tout comme la pratique du tatouage très répandue dans certaines régions, notamment dans les Aurès. Les Chaouies ne se gênent nullement d'exhiber, au front ou sur le menton des signes en forme de fleur de lys mais aussi de croix. Dans ce cas précis, nul besoin du concours d'historiens ou d'anthropologues pour comprendre que ces estampilles évoquent le supplice du Christ et déduire qu'elles constituent des «vestiges» de la chrétienté de l'Afrique du Nord. Idem pour ces bâtons en forme de croix qui font partie intégrante du harnachement des montures des Touareg.