Résumé de la 30e partie n Pour approcher du couple Rumson, Alvirah propose au mari de lire un script du neveu de Willy. Leur appartement jouissait d'une vue panoramique sur Central Park. Alvirah n'y entrait jamais sans se rappeler qu'elle avait longtemps considéré la maison de Mme Chester Lollop à Little Neck, où elle faisait jadis le ménage tous les jeudis, comme un palais en miniature. Seigneur, ses yeux s'étaient bel et bien ouverts durant ces dernières années ! lIs avaient acheté l'appartement entièrement meublé à un courtier qui avait été condamné pour délit d'initié. Il venait de le faire décorer par un architecte d'intérieur qui, à l'entendre, était la coqueluche du Tout-Manhattan. Alvirah avait secrètement quelques doutes sur ce genre de coqueluche. La pièce de séjour, la salle à manger et la cuisine étaient d'un blanc pur. Il fallait continuellement déhousser les canapés, la plus petite tache ressortait sur l'épaisse moquette du même blanc ; quant aux placards, comptoirs, marbres et accessoires, tout aussi immaculés, ils lui rappelaient les baignoires, lavabos et cuvettes qu'elle s'était toute sa vie escrimée à nettoyer. Et ce soir, il y avait quelque chose de nouveau, une note affichée sur la porte-fenêtre qui ouvrait sur la terrasse. Alvirah lut : L'inspection de l'immeuble signale que cet appartement est l'un des rares où un défaut structurel a été décelé au niveau de la balustrade et du revêtement de la terrasse. Votre terrasse ne présente aucun danger pour une utilisation courante, mais prenez garde que personne ne s'appuie à la balustrade. Les réparations seront exécutées le plus rapidement possible. Alvirah lut la notice à haute voix à l'intention de Willy et haussa les épaules. «Bon, j'ai assez de bon sens pour ne pas m'appuyer à une balustrade, solide ou non.» Willy sourit d'un air penaud. Il avait le vertige et ne mettait jamais le pied sur la terrasse. Comme il l'avait dit le jour où ils avaient acheté l'appartement : «Tu aimes l'air, j'aime la terre.» Willy aIla à la cuisine brancher la bouilloire. Alvirah sortit par la porte-fenêtre. L'air suffocant la frappa comme une vague brûlante mais elle n'en avait cure. Elle aimait tout particulièrement se tenir là, en contemplation devant le parc, admirant les lumières qui donnaient un air de fête aux arbres autour de la Tavern on The Green, le joyeux ruban des phares des voitures, les silhouettes des calèches dans le lointain. Comme c'est bon d'être de retour ! pensa-t-elle à nouveau, rentrant à l'intérieur et observant le séjour, mesurant d'un œil impitoyable le degré d'efficacité du service de nettoyage hebdomadaire qui était, en principe, intervenu la veille. Elle s'étonna de voir des traces de doigts sur la table de verre où l'on servait les cocktails. Machinalement, elle prit un mouchoir et les frotta énergiquement. Puis elle remarqua que l'embrasse du rideau près de la fenêtre de la terrasse avait disparu. Pourvu qu'elle n'ait pas fini à la poubelle. «Je me montrais plus consciencieuse du temps où j'étais simple femme de ménage.» Elle se souvint de la réflexion de l'hôtesse de la British Airways. Ou simple domestique, au choix. (à suivre...)