Ambiance n Implanté en plein centre-ville, le marché de la rue des Aurès (ex-La Bastille), encombré, mais grouillant de vie, est un véritable baromètre qui renseigne sur l'humeur de la cité. Cette artère, qui «suinte» de mille et un souvenirs et qui embaume de mille et une senteurs, bat le rythme d'une «sonate de la vie» qui berce chaque jour la ville et ses habitants. Quand la cité s'illumine, caressée par les premières lueurs d'un matin naissant, elle devient telle une ruche emplie de chaleur et de vie. Elle ne se prélasse pas pour accueillir la nouvelle journée. Elle plonge dans le labeur pour donner des couleurs à la vie de ses habitants, lesquels, qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, plongent, à leur tour, dans les entrailles du marché de la rue des Aurès. L'espace est devenu, à l'instar du marché de haï M'dina J'dida, un passage obligé pour tous les visiteurs de la ville qui viennent y faire leurs emplettes ou pour... se sentir Oranais, au contact de la masse compacte des clients et des visiteurs qui se disputent les étroites allées de la rue. Les étals de fruits et légumes proposent des produits à toutes les bourses. «Ici, le nanti et le pauvre peuvent s'approvisionner. C'est le paradis du produit, décliné à tous les calibres, tous les goûts et à toutes les couleurs», dira Ammi Saïd, un des pionniers du marché où il a passé de longues années de sa vie. Les quelques potagers de la région proposent chaque jour des légumes de première fraîcheur. «Ces tomates ont été cueillies ce matin. Elles gardent tout leur jus et toute leur saveur. Elles n'ont pas séjourné dans une chambre froide», nous dira, la mine soudain éclairée, notre interlocuteur qui a entamé sa longue histoire avec le marché, en tant que fleuriste. Aujourd'hui, avec l'arrivée de nouveaux marchands, le marché a pris de l'ampleur. Il ne se vide jamais. L'activité y commence vers 7h 30 pour ne prendre fin qu'aux environs de 22h. «La ménagère peut, si elle venait à manquer d'un ingrédient, le soir avant de dresser la table du dîner, venir le chercher auprès des commerçants du marché», note Ammi Saïd. Le dos voûté par des années de labeur, l'œil aux aguets, il guette le flux des clients qui vont et viennent à la recherche de la bonne affaire. «J'ai troqué mes boutons de roses, mes œillets et mon jasmin contre des légumes et des herbes fines. Il y a seulement quelques années, le métier de fleuriste me permettait de gagner confortablement ma vie, mais aujourd'hui avec l'apparition de plusieurs pépinières spécialisées, la clientèle se fait rare», dira-t-il pour expliquer pourquoi il a changé de vocation. Plus loin, l'odeur du poisson est prenante. La rue est engorgée de poissonniers qui proposent de la sardine, quelques variétés de poisson, des crevettes et même parfois des fruits de mer. «Oui, on vend parfois des moules, des clovis et des coquilles», dira un vendeur. Ces derniers disputent l'espace aux vendeurs de pain traditionnel et de baguettes qui inondent la rue où, pour l'anecdote, éclate parfois de petites bagarres entre enfants improvisés marchands de sachets d'emballage. On entend les cris des commerçants et des petits enfants qui prononcent sans discontinuer : «Boursa, boursa» (sachet). Ces «crieurs» ne prennent de répit que pour tendre un sachet ou pour rendre la monnaie.